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Suivi législatif

Législatives 2024 : le choc fiscal des mesures du Nouveau Front populaire

Le nouveau front populaire qui a lancé sa campagne pour les législatives anticipées a conclu un « contrat de législature » d’une centaine de mesures. Si l'union de la gauche obtient la majorité aux élections, un premier volet fiscal, d'ores et déjà critiqué, intégrant ces mesures pourrait être intégré à un  projet de loi de finances rectificative 2024 qui serait examiné dans le cadre d'une session extraordinaire à l’Assemblée nationale au début de l'été. Voici les mesures proposées.

 

 

  • Accroître la progressivité de l’impôt sur le revenu à 14 tranches

Rappelons qu'aujourd'hui, la barème applicable à chaque part de revenu imposable prévoit cinq tranche : 0% 11%, 30%, 41%, 45%. Le NFP propose de passer à quatorze tranches.

 

Cette mesure figurait déjà dans le programme du candidat Malanchon des présidentielles 2017 et 2022 (Voir le simulateur publié à l'époque). La proposition du nouveau front populaire n'a toutefois rien de révolutionnaire puisque le barème à 14 tranches s'est appliqué entre 1983 et 1987.

 

Exemple de barème applicable en 1986

Taux Fraction du revenu imposable
0 % à la fraction du revenu qui n'excède pas 31.300 F
5 % à la fraction du revenu comprise entre 31.300 F et 32.720 F
10 % à la fraction du revenu comprise entre 32.720 F et 38.800 F
15% à la fraction du revenu comprise entre 38.800 F et 61.360 F
20 % à la fraction du revenu comprise entre 61.360 F et 78.880 F
25 % à la fraction du revenu comprise entre 78.880 F et 99.100 F
30 % à la fraction du revenu comprise entre 99.100 F et 119.900 F
35 % à la fraction du revenu comprise entre 119.900 F et 138.340 F
40 % à la fraction du revenu comprise entre 138.340 F et 230.500 F
45 % à la fraction du revenu comprise entre 230.500 F et 317.020 F
50 % |à la fraction du revenu comprise entre 317.020 F et 374.980 F
55 % à la fraction du revenu comprise entre 374.980 F et 426.560 F
60 % à la fraction du revenu comprise entre 426.560 F et 483.480 F
65 % à la fraction du revenu supérieure à 483.400 F

 

Rappelons également que le Candidat Mélanchon proposait, lors de la présidentielle de 2017, d'instaurer d’un revenu maximum autorisé : 100 % d’impôt pour la tranche au dessus de 20 fois le revenu médian, soit 400 000 € de revenus annuels (33 000 € par mois). Cette mesure ne figure pas, à date, au projet de législature du nouveau Front populaire.

 

  • Rendre la CSG progressive

La CSG est actuellement un impôt proportionnel avec un taux unique de 9,20% sur les revenus du travail, rapportant autant que l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés réunis. Reprenant une mesure de la présidentielle de 2022, le nouveau Front populaire pourrait proposer de créer 14 tranches pour la CSG, comme pour l'impôt sur le revenu qu'il veut aussi réformer (contre 5 actuellement).

 

L'idée n'est pas nouvelle puisqu'elle revient régulièrement dans les collectifs budgétaires depuis une dizaine d'année.

 

Dernièrement, des députés socialistes et apparentés ont dans le cadre de l'examen du PLFSS pour 2024 déposé un amendement (non adopté) visant à instaurer une CSG progressive avec 7 taux différents (de 0 % jusqu’à 4 900 € de revenus jusqu’à 13,2 % au-delà de 79 000 € de revenu). Ce barème progressif ne supprimerait pas les taux réduits sur les revenus de remplacement (allocations chômage, indemnités journalières), ainsi que sur les pensions de retraite et d’invalidité. 

 

  • Rétablir un impôt de solidarité sur la fortune (ISF) renforcé avec un volet climatique

Le volet climatique vise à taxer les gros pollueurs calculé selon l’empreinte carbone des actifs détenus

 

En marge de ce rétablissement de l'ISF, un serpent de mer pourrait refaire surface, l'intégration des œuvres d’art dans l'assiette de l'impôt. En effet, lors de la Présidentielle de 2017, le candidat Mélanchon proposait un tel aménagement. 

 

Rappelons qu'avant 2018 (date de la transformation de l'ISF en IFI) aux termes de l’article 885 I du CGI , les objets d’antiquité, d’art ou de collection n'éaient pas compris dans les bases d’imposition à l’ISF. Vivement critiquée notamment à gauche, cette «exonération» des oeuvres d’art a, au cours de plusieurs collectifs budgétaires, déjà donné lieu au dépôt d’amendements proposant de remettre en cause cette exonération. A doite aussi, des députés ont par le passé (Dans le cadre du projet de loi portant réforme de la fiscalité du patrimoine et dans une proposition de loi du député des Côtes d’Armor Marc Le Fur) eu des vélléités d'assujettir les œuvres d’art à l’ISF pour plus de justice fiscale. En règle générale, les partisans d’un tel assujettissement des oeuvres d’art à l’ISF font valoir que ces biens appartiennent, par définition, aux plus fortunés, que ce sont des investissements non productifs qui ont un impact économique quasiment nul et qu’enfin, l’investissement dans des œuvres d’art est parfois un biais pour échapper à l’imposition.

 

  • Supprimer la flat tax
Pour mémoire l'article 28 de la LF pour 2018 a mis en œuvre le prélèvement forfaitaire unique (PFU) ou Flat-Tax pour simplifier et alléger la fiscalité s’appliquant à l’ensemble des revenus de capitaux mobiliers et des gains nets, profits, distributions, plus-values privées et créances. En pratique il a remplacé les modalités actuelles d’imposition d’une large part des revenus du capital (intérêts, dividendes, plus-values…), perçus par des personnes physiques, par un prélèvement forfaitaire unique fixé au taux unique de 30% se décomposant comme suit :
    • un taux forfaitaire d’impôt sur le revenu (IR) de 12,8 %,
    • les prélèvements sociaux au taux global de 17,2 % à la suite de la hausse du taux de la CSG opérée par la LFSS pour 2018

 

  • Rétablir l’exit tax

L’Exit-Tax (Art. 167 bis du CGI) issu de l’article 48 de la première LFR pour 2011, prévoyait que le transfert de domicile fiscal hors de France, à partir du 3 mars 2011, entraîne l’imposition immédiate à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux de certaines plus-values latentes , des plus-values en report d’imposition et des créances trouvant leur origine dans une clause de complément de prix. Il a fait l’objet d’ajustements législatifs, en particulier dans le cadre de la LFR 2013 et de la LF 2014. Ces ajustements ont permis de rationaliser le dispositif de l’exit tax pour mieux cibler les contribuables qui transfèrent leur domicile fiscal hors de France à des fins d’exil fiscal et d’améliorer l’efficacité du dispositif.

L’article 112 de la LF pour 2019 a réformé le dispositif de « l’exit-tax » en étendant le champ des contribuables pouvant bénéficier d’un sursis de paiement, en allégeant les obligations déclaratives, et en réduisant le délai de conservation des plus-values latentes permettant de bénéficier d’un dégrèvement ou d’une restitution. L'article 11 de la LF pour 2024 a apporter encore certines corrections :

  • il a accordé aux contribuables ayant quitté le territoire national entre le 3 mars 2011 et le 31 décembre 2013, au même titre que ceux qui l'ont quitté ultérieurement, un dégrèvement des prélèvements sociaux au titre du sursis d'imposition dont ils ont bénéficié dans le cadre du paiement de l'exit tax ;
  • il a renforcé les obligations déclaratives au titre de l'exit tax pour les contribuables ayant quitté le territoire national à compter du 1er janvier 2019, en prévoyant que le défaut de déclaration (Art. 167 bis-IX-3 du CGI) des événements pour lesquels il est prévu un dégrèvement ou une restitution de l'impôt entraîne l'exigibilité immédiate de l'impôt en sursis de paiement par l'administration fiscale - soit la sortie du dispositif d'exit tax

 

  • Supprimer les niches fiscales inefficaces, injustes et polluantes

 

  • Réformer l’impôt sur l’héritage pour le rendre plus progressif en ciblant les plus hauts patrimoines et instaurer un héritage maximal

Dans le cadre de la Présidentielle de 2022, le candidat Mélanchon avait indiqué qu'il souhaitait modifier le barème actuel, mais surtout procéder à une réforme d’ampleur de l’assiette taxable, en s’inspirant d’une note de décembre 2021 du Conseil d’analyse économique (CAE) qui proposait de repenser en profondeur la taxation de l’héritage.

Dans cette note - intitulée «Repenser l’héritage», les économistes Clément Dherbécourt, Gabrielle Fack, Camille Landais et Stefanie Stantcheva sont partis du constat que les plus riches arrivent grâce à des mécanismes fiscaux à payer peu de taxes sur les biens hérités au cours de leurs vies. En cause, les dispositifs d’exemption et d’exonération (notamment les pactes Dutreil sur la transmission de biens professionnels ou les transmissions de contrats d’assurance vie). Pour remédier à cet «échappement», les économistes évoquaient différentes pistes de réforme : la fin des diverses exemptions et exonérations, mais aussi une nouvelle approche considérant l’assiette fiscale comme «la somme des flux successoraux perçus par les individus tout au long de la vie».

Le Candidat Mélanchon voulait même aller plus loin, puisqu'il proposait de créer un héritage maximal de 12 M€. «Au-delà de 12 millions, je prends tout. Si vous n'avez pas 12 millions d'héritage de prévu, vous ne risquez rien avec moi», a affirmé Jean-Luc Mélenchon dans la presse. En 2017 déjà, lors de la précédente présidentielle, Jean-Luc Mélenchon défendait un «héritage maximum pour les fortunes les plus importantes». Le seuil au-delà duquel tout était taxé était alors fixé à 33 M€. Il s’agissait alors de financer la prise en charge de la dépendance.

  • Instaurer une taxe kilométrique sur les produits importés

 

Si d'aventure, le nouveau Front Populaire gagnait les législatives anticipées d'autres mesures inscrites au programme du candidat Insoumis aux présidentielles de 2017 et 2022 pourraient refaire surface : 

 

  • L'interdiction des les parachutes dorés et des retraites chapeaux
  • La suppression des stock-options

le système des stock-options offre à un bénéficiaire une "option" sur une action à un prix déterminé, sans qu'il verse le moindre centime. Si le cours de l'action baisse, le bénéficiaire en question ne fait pas jouer son option. Si le cours augmente, il peut choisir de "convertir" son option d'achat en actions. En réalisant une plus-value au passage. Gagnant à tous les coups, donc. Source de nombreux scandales dans le passé, ce processus est devenu peu à peu synonyme de rémunérations indécentes pour une partie de l’opinion.

 
Cette mesure n'est pas nouvelle en 2007 (suite au scandale EADS) et en 2012, François Hollande alors candidat à la présidentielle s'était engagé à supprimer les stocks options et à encadrer les bonus.
  • la baisse de la TVA sur la tarification des transports en commun à 5,5 % ;
  • la baisse de la TVA sur les services de réparation ;
  • la réduction de la TVA sur les produits bio ;
  • la révision des avantages fiscaux sur l’épargne française investie à l’étranger, et les supprimer hors de l’Union européenne, notamment pour l’assurance-vie ;
  • l'instauration d'une taxe significative sur les transactions financières

Conformément à l’article 235 ter ZD du CGI, la taxe sur les acquisitions de titres de capital ou assimilés s’applique à toute acquisition à titre onéreux d’un titre de capital ou assimilé dès lors que ce titre est admis aux négociations sur un marché réglementé français, européen ou étranger, au sens de l’article L. 421-4 du code monétaire et financier (CoMoFi), de l’article L. 422-1 du CoMoFi ou de l’article L. 423-1 du CoMoFi, que son acquisition donne lieu à un transfert de propriété, et qu’il soit émis par une entreprise dont le siège social est situé en France et dont la capitalisation boursière excède 1MD€ au 1er décembre précédant l’année d’imposition. L'article 62 de la LF pour 2017 a élargi 

Le taux de la taxe sur les acquisitions de titre de capital et assimilés , initialement fixé à 0,1 %, a été porté à 0,2 % par l’article 7 de la loi de finances rectificative pour 2012 et à 0,3% par l'article 25 de la LF pour 2017 le champ de la taxe sur les transactions financières aux transactions infrajournalières, dites intraday à compter du 1er janvier 2018.

  • la limitation des LBO (rachat d’une entreprise par une société qui recourt à l’emprunt) aux seules procédures de reprises des entreprises par les salariés ;
  • la refonte de l’impôt sur les sociétés pour établir l’égalité devant l’impôt entre PME et grands groupes ;
  • l'instauration d'un barème progressif en fonction des bénéfices réalisés et selon leur usage, et favoriser l’investissement plutôt que la distribution de dividendes ;
  • la réduction de la TVA sur les produits de première nécessité et la réinstauration d'une « TVA grand luxe » ;
  • pour les niches fiscales non supprimées, la transformation des « réductions d’impôts » en « crédits d’impôts » afin que chacun puisse bénéficier à égalité de ces incitations financières, quels que soient ses revenus ;
  • l'instauration d'un impôt universel sur les entreprises (basant leur taxation sur l’activité effectivement réalisée en France) et sur les revenus des particuliers dans les pays à fiscalité privilégiée pour lutter contre l’évasion fiscale ;
  • la refonte de la la taxe foncière pour la rendre progressive et pour que chacun paie à hauteur de son patrimoine total réel ;
  • la fin du quotient conjugal et le remplacement du quotient familial fiscal actuel par un crédit d’impôt par enfant que pourraient toucher toutes les familles ;
  • la fin de la convention judiciaire d’intérêt public qui permet aux entreprises de négocier leur sanction financière en cas de fraude fiscale ;
  • l'augmentation des poursuites judiciaires, le durcissement des sanctions à l’encontre des délinquants en col blanc reconnus coupables de fraude fiscale et le renforcement des effectifs de l’administration fiscale ;
  • la suppression du monopole du déclenchement de poursuites judiciaires par la seule administration fiscale pour toutes les affaires en cas de fraude, quelle qu’elle soit : la justice doit pouvoir enquêter librement, même contre l’avis du ministre

Le dispositif appelé "verrou de Bercy" codifié sous l’article L.228 du LPF encadre la poursuite pénale des auteurs d’infractions financières. Il prévoit que seule l’administration fiscale a la possibilité de déposer des plaintes pour fraude fiscale auprès du parquet, après autorisation d’une commission (la commission des infractions fiscales) composée pour l’essentiel de magistrats.

 

Initialement, l’auteur d’une infraction fiscale ne pouvait être poursuivi que sur plainte de l’administration fiscale. La loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude a mis fin à ce monopole en obligeant l’administration fiscale à dénoncer au procureur de la République les faits de fraude fiscale les plus graves dont elle a connaissance. L’automaticité de la transmission du dossier de fraude par l’administration au procureur n’est garantie que lorsque le dossier remplit une double condition : il doit se voir appliquer des majorations importantes (100 %, 80 % et 40 % dans certains cas) et les droits concernés doivent être supérieurs à 100 000 €.

  • l'imposition des hautes transactions immobilières spéculatives par une taxe progressive pour financer la lutte contre le logement indigne ;
  • l'utilisation des surtaxes pour lutter contre les logements vacants ;
  • la fin des privilèges fiscaux excessifs liés au mécénat culturel ;
  • Réserver la taxe d’apprentissage aux établissements publics
  • l'instauration au niveau internationnal d'un taux d’impôt minimum sur les sociétés à 25 %,
  • l'établissement d'une liste européenne crédible des paradis fiscaux...

...affaire à suivre...

Publié le lundi 17 juin 2024 par La rédaction

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