Le juge de l'impôt confirme la légitimité constitutionnelle des distinctions fiscales fondées sur le statut juridique et la finalité des organismes. Le principe d'égalité devant la loi ne s'oppose pas à ce que le législateur instaure des régimes fiscaux différents pour des situations objectivement distinctes, notamment entre organismes à but lucratif et organismes sans but lucratif œuvrant dans le même domaine....au cas particulier le soutien scolaire.
L'article 261 du CGI prévoit diverses exonérations de TVA. Plus précisément, l'article 261-7-1°-a du CGI exonère les prestations à caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendues par des organismes privés sans but lucratif dont la gestion est désintéressée et qui répondent aux conditions des organismes d'utilité générale. Cette exonération s'applique donc aux prestations de soutien scolaire dispensées par de tels organismes.
Parallèlement, l'article 261, 4-4°, b du CGI prévoit une autre exonération pour les "cours ou leçons relevant de l'enseignement scolaire dispensés par des personnes physiques qui sont rémunérées directement par leurs élèves". Cette disposition vise à transposer les dispositions de l'article 132, § 1, point j, de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006.
Comme le souligne la doctrine BOFIP, l'exonération s'applique aux cours ou leçons :
dispensés par des personnes indépendantes en dehors du cadre de l'exploitation d'un établissement d'enseignement.
Pour mémoire, pour qu'une QPC soit renvoyée au Conseil constitutionnel, trois conditions cumulatives doivent être remplies, conformément à l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 : la disposition contestée doit être applicable au litige, ne doit pas avoir déjà été déclarée conforme à la Constitution (sauf changement de circonstances), et doit être nouvelle ou présenter un caractère sérieux. La QPC soulevée invoquait une atteinte au principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la DDHC de 1789. Ce principe n'interdit pas au législateur de traiter différemment des situations différentes, ni de déroger à l'égalité pour des motifs d'intérêt général, à condition que la différence de traitement soit en rapport avec l'objet de la loi.
Rappel des faits :
M. A exerce une activité de soutien scolaire sous la forme d'une EURL, où il travaille seul. Cette structure juridique le soumet à la TVA sur ses prestations de soutien scolaire, contrairement aux organismes sans but lucratif qui bénéficient de l'exonération prévue par l'article 261-7-1°-a du CGI.
Face à cette situation qu'il considère comme discriminatoire, M. A. a adressé au Ministre, le 24 janvier 2025, une demande d'abrogation du paragraphe 45 du BOFIP référencé BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-50, dans sa version publiée le 16 octobre 2019. Ce paragraphe explicite les conditions d'application de l'exonération de TVA pour les prestations de soutien scolaire réalisées par des organismes privés sans but lucratif.
L'exonération s'applique dans les mêmes conditions aux prestations de soutien scolaire :
- lorsqu'elles sont dispensées dans des établissements d'enseignement publics et privés régis par les dispositions du code de l'éducation mentionnées au a du 4° du 4 de l'article 261 du CGI ;
- ou lorsqu'elles sont réalisées par des organismes privés sans but lucratif, qui répondent aux conditions des organismes d'utilité générale fixées au a et au b du 1° du 7 de l'article 261 du CGI. Il en est ainsi lorsque ces organismes remplissent les conditions précisées au BOI-TVA-CHAMP-30-10-30-10 conformément aux développements contenus au BOI-IS-CHAMP-10-50-10-20.
Devant le rejet implicite de sa demande, M. A a saisi le Conseil d'État d'un REP par lequel il sollicite l'annulation de la décision de rejet. Au soutien de sa requête, M. A a soulevé une QPC, arguant que les dispositions de l'article 261-7-1°-a du CGI portaient atteinte au principe d'égalité devant la loi. Selon lui, elles créaient une différence de traitement injustifiée entre les cours de soutien scolaire dispensés par des organismes privés sans but lucratif (exonérés) et ceux dispensés par des structures à but lucratif, comme son EURL, ou par des enseignants non directement rémunérés par leurs élèves.
M. A souligne également l'existence d'une autre exonération prévue à l'article 261-4-4°, b du CGI pour les personnes physiques directement rémunérées par leurs élèves, estimant que cette disparité de traitement renforçait le caractère discriminatoire du dispositif à son encontre.
Le Conseil d'État vient de rejeter la QPC soulevée par M. A et sa requête en annulation des commentaires BOFIP
- Concernant la QPC, le Conseil d'État a considéré que la différence de traitement instituée par le législateur était justifiée par une différence objective de situation en rapport direct avec l'objet de la loi.
La décision souligne que le législateur, en exonérant de TVA les services rendus par les organismes privés sans but lucratif à gestion désintéressée, a entendu favoriser l'accès à des prestations d'intérêt général aux prix les plus faibles. Cette finalité d'intérêt général constitue, selon le juge, un motif légitime justifiant la différence de traitement avec les organismes à but lucratif.
Le Conseil d'État a par ailleurs précisé que l'existence d'une autre exonération pour les cours dispensés par des personnes physiques directement rémunérées par leurs élèves était sans incidence sur la question de la conformité constitutionnelle des dispositions contestées.
En l'absence de fondement pour la QPC, la requête de M. A, qui se bornait à contester les commentaires administratifs en raison de l'inconstitutionnalité alléguée de la disposition législative qu'ils reprennent, a été rejetée dans son intégralité.