Nouvelle décision qui nous rappelle la rigueur avec laquelle le juge de l'impôt examine la recevabilité d'une QPC et plus particulièrement la cohérence entre l'objet du litige principal et la disposition législative contestée par la question. Au cas particulier la Haute juridiction administrative a refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel une QPC portant sur l'assiette de la « taxe Soda », faute d'applicabilité au litige.
Codifiée sous l'article 1613 ter du CGI la contribution sur les boissons sucrées (Taxe soda) constitue une mesure de politique fiscale et de santé publique visant à décourager la consommation de boissons contenant des sucres ajoutés.
Le paragraphe I définit l'assiette de la contribution en précisant son champ d'application : boissons et préparations liquides relevant des codes NC 2009 et NC 2202 du tarif des douanes, contenant des sucres ajoutés, conditionnées pour la vente au détail, et qui ne constituent pas des boissons alcooliques. Le texte prévoit également des exclusions spécifiques pour certains produits comme les laits infantiles, les laits de croissance, les produits de nutrition entérale et les boissons à base de soja avec un taux minimal de protéines. Le paragraphe II fixe quant à lui le tarif applicable à cette contribution.
Au cœur de la procédure se trouve l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, qui encadre le mécanisme de la QPC. Pour qu'une QPC soit renvoyée au Conseil constitutionnel par une juridiction du fond (ou de cassation comme le Conseil d'État), trois conditions cumulatives doivent être remplies :
- La disposition législative contestée doit être applicable au litige ou à la procédure.
- Elle ne doit pas avoir déjà été déclarée conforme à la Constitution, sauf changement des circonstances.
- Elle doit être nouvelle ou présenter un caractère sérieux.
Rappel des faits :
La SAS Coca-Cola a engagé une procédure contentieuse le 26 mai 2025 visant à contester les commentaires publiés par l'administration fiscale. Plus précisément, la société demande l'annulation des paragraphes 10 et 20 des commentaires BOFIP publiés le 26 mars 2025 sous la référence BOI-BAREME-000038.
10
En application du dernier alinéa du II de l’article 1613 ter du CGI, les tarifs de la contribution sur les boissons non alcooliques contenant des sucres ajoutés sont relevés au 1er janvier de chaque année dans une proportion égale au taux de croissance de l’indice des prix à la consommation hors tabac de l’avant-dernière année. Les montants sont exprimés avec deux chiffres après la virgule, le deuxième chiffre étant augmenté d’une unité si le chiffre suivant est égal ou supérieur à cinq.
Remarque : Le 1° du I de l’article 31 de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025 modifie, à compter du 1er mars 2025, les tarifs de la contribution sur les boissons non alcooliques contenant des sucres ajoutés. La première indexation sur l’inflation de ces nouveaux tarifs interviendra le 1er janvier 2026.
20
Les tarifs de la contribution sur les boissons non alcooliques contenant des sucres ajoutés, applicables à compter du 1er mars 2025, sont exposés dans le tableau suivant.
Barème de la contribution sur les boissons non alcooliques contenant des sucres ajoutés (tarifs exprimés en euros par hectolitre de boisson) Quantité de sucre (en kg de sucres ajoutés par hl de boisson)
Tarif du 1er mars au 31 décembre 2025 Inférieure à 5 4 Égale ou supérieure à 5 et inférieure ou égale à 8 21 Supérieure à 8 35
Ces commentaires administratifs se bornent à réitérer les dispositions du paragraphe II de l'article 1613 ter du CGI, c'est-à-dire les modalités tarifaires de la contribution sur les boissons sucrées.
Tout en contestant les commentaires relatifs au tarif de la contribution (§ II), la société souleve une QPC portant sur les dispositions relatives à l'assiette de cette même contribution (§ I de l'article 1613 ter). Coca Cola soutient que ces dispositions définissant l'assiette de la contribution sur les boissons sucrées, portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.
Le Conseil d'Etat vient de rejeter la requête de la société Coca-Cola
Il a refusé de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel pour défaut d'applicabilité au litige :
- Première étape : analyse de la cohérence entre l'objet de la requête principale et la QPC soulevée
Le juge a constaté que la société contestait des commentaires administratifs se bornant à réitérer les dispositions du § II de l'article 1613 ter (tarif de la contribution), tandis que la QPC portait sur le § I du même article (assiette de la contribution).
- Seconde étape , le Conseil d'État a tiré les conséquences juridiques de cette dissociation
Il a considéré que même si le Conseil constitutionnel déclarait inconstitutionnel le § I de l'article 1613 ter, cette éventuelle censure n'aurait aucune incidence sur la légalité des commentaires administratifs litigieux, lesquels se contentent de reproduire le § II. La condition d'applicabilité au litige n'était donc pas remplie.
Partant, le Conseil d'État a rejeté la QPC et, par voie de conséquence la demande d'annulation des commentaires BOFIP