Le juge de l'impôt nous rappelle que le simple fait qu'un logement soit inhabitable en raison de travaux en cours ne suffit pas en soi à justifier l'exonération de la taxe annuelle sur les logements vacants (TLV). Le contribuable doit démontrer de manière précise la nature, l'ampleur et le coût des travaux strictement nécessaires pour rendre le bien habitable, en excluant les travaux de confort ou de luxe.
La TLV est régie par l'article 232 du CGI. Elle est applicable dans les communes des zones d'urbanisation continue où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements. La taxe est due pour tout logement vacant depuis au moins une année au 1er janvier de l'année d'imposition.
Pour mémoire l'article 73 de la LF pour 2023 a étendu cette taxe aux communes qui sans appartenir à une zone d’agglomération continue de plus de 50 000 habitants sont confrontées à une attrition des logements disponibles pour l’habitation principale. De même, l'article 74 du même collectif budgétaire a porté le taux de la taxe sur les logements vacants à 17 % la première année et 34 % la deuxième année, contre, respectivement, 12,5 % et 25 % dans le droit existant, soit une augmentation de chacun de ces deux taux de 36 %.
Toutefois, l'article 232-VI du CGI, prévoit que la taxe n'est pas due en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable. Cette notion a été précisée par des réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel (décisions n° 98-403 DC du 29 juillet 1998 et n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012).
Selon ces réserves, la TLV ne peut frapper que des logements habitables, vacants et dont la vacance "tient à la seule volonté de leur détenteur". Partant, ne sauraient être assujettis à cette taxe des logements qui ne pourraient être rendus habitables qu'au prix de travaux importants et dont la charge incomberait nécessairement à leur détenteur.
La jurisprudence administrative a précisé que c'est au juge de l'impôt qu'il appartient d'apprécier, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention du contribuable à produire les éléments qu'il est seul en mesure d'apporter (tels que des devis détaillés), si les travaux nécessaires pour rendre le bien habitable sont d'une telle importance qu'ils font obstacle à l'assujettissement à la taxe.
Rappel des faits :
La société VH Antibes est propriétaire de la "Villa Hier" au Cap d'Antibes, un bien immobilier comprenant une maison de maître, deux bâtiments annexes, un jardin et une piscine. Ce bien faisait l'objet de travaux de rénovation et a été assujetti à la TLV au titre des années 2018 et 2019.
Le TA de Nice avait initialement déchargé la société de cette taxe en avril 2022. Cependant, la Cour administrative d'appel de Marseille, saisie par le ministre, a annulé ce jugement en octobre 2024 et a remis les cotisations à la charge de la société VH Antibes.
La Cour d'appel a reconnu que le bien n'était pas habitable en l'état aux dates d'imposition (sols, escaliers, murs bruts, pièces vides, installations électriques et sanitaires non terminées). Néanmoins, elle a estimé que la société VH Antibes n'avait pas apporté les éléments suffisants (tels que des devis détaillés pour les seuls travaux nécessaires à l'habitabilité, à l'exclusion du caractère luxueux) permettant d'établir que le bien ne pouvait être rendu habitable qu'au prix de travaux importants au sens des décisions du Conseil constitutionnel.
La société s'est pourvue en cassation contre cet arrêt.
Le Conseil d'État vient de rejeter le pourvoi de la société VH Antibes, confirmant ainsi la position de la CAA de Marseille.
La Haute Juridiction a validé le raisonnement de la Cour d'appel sur plusieurs points :
- Non-erreur de droit sur le constat d'inhabitabilité : Le Conseil d'État a jugé que la Cour d'appel n'avait pas commis d'erreur de droit en ne déduisant pas du seul constat que le bien n'était pas habitable en l'état (absence d'installations électriques, d'eau courante et d'équipements sanitaires) que la société ne pouvait être assujettie à la TLV. Le simple constat d'inhabitabilité à un instant T ne suffit pas à exonérer, il faut prouver que l'habitabilité nécessite des travaux importants.
- Appréciation souveraine des preuves : Le Conseil d'État a validé l'appréciation de la Cour selon laquelle les documents produits par la société (un "budget de base" global de 23 M€ pour une rénovation de luxe) étaient insuffisants pour distinguer la nature et le coût des travaux strictement nécessaires à l'habitabilité des travaux visant à conférer un caractère luxueux au bien. Le Conseil d'État a confirmé que la Cour n'avait pas dénaturé les pièces du dossier.
- Absence d'erreur de droit sur l'exclusion des travaux luxueux : Le Conseil d'État a approuvé le fait que la Cour d'appel ait circonscrit son appréciation de l'importance des travaux à ceux qui présentent un caractère nécessaire à l'habitabilité du bien, excluant ceux destinés à conférer un caractère luxueux.
- Absence d'autres motifs de vacance involontaire : Le Conseil d'État a relevé que la société n'avait invoqué aucune autre circonstance (telle qu'une interruption involontaire des travaux) susceptible de justifier que la vacance était indépendante de sa volonté.
TL;DR
Le simple fait qu'un logement soit inhabitable en raison de travaux en cours ne suffit pas en soi à justifier l'exonération de la TLV.
Le contribuable doit démontrer de manière précise la nature, l'ampleur et le coût des travaux strictement nécessaires pour rendre le bien habitable, en excluant les travaux de confort ou de luxe.
Des devis détaillés et un chiffrage poste par poste sont indispensables. Les documents globaux ou imprécis ne sont pas suffisants pour établir que l'habitabilité ne pourrait être retrouvée qu'au prix d'efforts "importants" au sens des réserves du Conseil constitutionnel.