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Contrôle et contentieux

Amende pour facture fictive : au-delà de la présomption réfragable, la recherche de l'émetteur réel

Le juge de l'impôt nous confirme, en matière d'amende pour facture fictive, l'existence d'une présomption réfragable selon laquelle la personne dont le nom figure sur une facture est présumée être celle qui l'a délivrée. Cette présomption peut être combattue par l'administration fiscale lorsqu'elle entend démontrer qu'une autre personne est le véritable émetteur, ou par le contribuable lorsqu'il souhaite établir qu'il n'est pas l'émetteur réel.

 

L'article 1737, I-1° du CGI prévoit une amende égale à 50% des sommes versées ou reçues en cas de travestissement ou de dissimulation de l'identité ou de l'adresse des fournisseurs ou clients, des éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B du CGI, ou d'acceptation en connaissance de cause de l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom.

 

Cette disposition s'inscrit dans l'arsenal répressif visant à lutter contre les circuits de fraude fiscale, notamment les schémas qui utilisent des sociétés éphémères interposées pour rompre la traçabilité des flux et faciliter l'évasion fiscale. Elle vise à sanctionner la délivrance de factures sans contrepartie réelle, pratique qui permet notamment de créer artificiellement des droits à déduction de TVA ou de minorer fictivement les bénéfices imposables. L'amende peut être mise à la charge soit de la personne qui a délivré la facture, soit de la personne destinataire de la facture.

 

La question centrale de la décision abordée ici est celle de l'identification de la personne assujettie à cette amende. La jurisprudence constante établit que si la personne dont le nom figure sur une facture est présumée être celle qui l'a délivrée, cette présomption peut être combattue. L'administration fiscale, comme la personne en cause, peut établir qu'une facture fictive a été délivrée non pas par la personne dont le nom figure sur la facture, mais par une autre personne. Dans ce cas, l'amende ne peut être mise à la charge que de cette dernière, c'est-à-dire l'émetteur réel de la facture fictive.

 

 

Rappel des faits :

La société AS a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a donné lieu à des redressements significatifs. À l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015, des rappels de TVA pour la période du 1er janvier 2015 au 30 novembre 2017, ainsi que l'amende prévue par l'article 1737 du CGI.

La particularité de l'espèce réside dans le fait que l'amende pour factures fictives concernait trois factures qui avaient été délivrées par la société SSO au titre de l'exercice clos en 2015. L'administration considérait néanmoins que la société AS devait être sanctionnée pour ces factures fictives.

La société AS a contesté ces impositions devant leTA de Lyon, qui a rejeté sa demande par jugement du 8 novembre 2022. La cour administrative d'appel de Lyon a confirmé cette décision par arrêt du 1er février 2024, rejetant l'appel formé par la société.

 

La société s'est alors pourvue en cassation devant le Conseil d'État. Par une décision du 31 octobre 2024, le Conseil d'État a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi, mais seulement en tant qu'il concernait l'amende prévue à l'article 1737 du CGI, excluant ainsi du champ du pourvoi les autres impositions contestées.

 

Le Conseil d'État vient d'annuler l'arrêt de la CAA de Lyon en ce qu'il statuait sur l'amende fiscale infligée à la société AS et a renvoyé l'affaire à la Cour d'appel.

  • La Haute Juridiction a d'abord posé un principe général concernant l'identification de l'émetteur d'une facture fictive. Elle a établi que si la personne dont le nom figure sur une facture est présumée être celle qui l'a délivrée, cette présomption peut être combattue par l'administration comme par la personne en cause.
  • Elle a ensuite précisé que si l'administration ou la personne en cause établit qu'une facture fictive a été délivrée non par la personne dont le nom figure sur cette facture, mais par une autre personne, l'amende ne peut être mise à la charge que de cette dernière. 

Appliquant ces principes à l'espèce, le Conseil d'État a reproché à la cour d'appel de ne pas avoir recherché si AS était en réalité l'émettrice des factures litigieuses. La cour s'était contentée d'estimer que l'administration établissait le caractère fictif des trois factures "établies pour le compte" de la requérante, sans procéder à l'analyse nécessaire pour déterminer qui était l'émetteur réel.

 

Cette erreur de droit a conduit le Conseil d'État à casser l'arrêt avec renvoi.

 

 

Publié le jeudi 17 juillet 2025 par La rédaction

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