La Cour d’Appel de Douai vient de rappeler que quand le licenciement de plusieurs salariés cache en réalité un départ volontaire des intéressés la déduction au titre de charges des indemnités de licenciement et des indemnités transactionnelles versées à cette occasion constitue un acte anormal de gestion.
Pour mémoire, pour être admises en déduction pour la détermination du résultat fiscal au titre des frais et charges les dépenses doivent , d’une manière générale, satisfaire aux conditions suivantes :
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être exposées dans l’intérêt direct de l’exploitation ou se rattacher à la gestion normale de l’entreprise ;
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correspondre à une charge effective et être appuyées de justifications suffisantes ;
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être comprises dans les charges de l’exercice au cours duquel elles ont été engagées. L’entreprise est en principe libre de sa gestion et les dépenses qu’elle engage pour son fonctionnement constituent normalement des charges déductibles pour la détermination du résultat fiscal dès lors qu’elles satisfont aux conditions générales de déduction prévues par les dispositions de l’article 39-1 du CGI et ne sont pas exclues par une disposition particulière.
Il faut notamment que ces dépenses soient exposées dans l’intérêt de l’exploitation ou dans le cadre d’une gestion normale de l’entreprise.
Bien que l’Administration ne soit pas autorisée à s’immiscer dans la gestion des entreprises, elle peut cependant conformément à une jurisprudence constante du Conseil d’État, remettre en cause les dépenses qui ne se rattacheraient pas à une gestion normale ou n’auraient pas été exposées dans l’intérêt direct de l’entreprise.
Au cas particulier, la SAS CD avait déduit du résultat de l’exercice qu’elle a clos le 30 septembre 2007 les indemnités de licenciement et les indemnités transactionnelles , d’un montant total de 423 877,30 € versées à six salariés licenciés entre le 31 mai 2007 et le 27 septembre 2007.
A l’issue de la vérification de comptabilité de la SAS CD (Exploitant un hypermarché) l’administration avait remis en cause le caractère déductible , d’une part, des frais de voyage, de réception, de chasse et de taxidermie et, d’autre part, des indemnités de licenciement et des indemnités transactionnelles versées à six salariés, au motif que leur licenciement cachait en réalité un départ volontaire des intéressés et que, dès lors, le versement des indemnités en cause n’était pas intervenu dans le cadre d’une gestion normale de l’entreprise .
La SAS CD a demandé au TA d’Amiens de prononcer la réduction de la cotisation supplémentaire d’IS à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2007, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1401992 du 26 mai 2016, le tribunal administratif d’Amiens a prononcé la décharge de la majoration pour manquement délibéré dont a été assortie la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés mise à la charge de la SAS Chambry Distribution, en tant qu’elle résulte de la réintégration dans son bénéfice net de frais de réception, de voyage, de chasse et de taxidermie, et rejeté le surplus de sa demande.
La SAS CD a fait appel de la décision soutenant que l’administration ne rapportait pas la preuve, qui lui incombe, de ce que les indemnités de licenciement et les indemnités transactionnelles versées à six salariés n’ont pas le caractère de charges déductibles car elles sont constitutives d’actes anormaux de gestion.
La CAA de Douai vient de rejeter la requête de la SAS CD.
Il se trouve, au cas particulier, que :
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ces six salariés les liens qui unissaient étaient respectivement l’ancienne épouse, la compagne, le fils, la fille et deux très anciens collaborateurs du président de la société,
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leur départ est proche de la cessation d’activité du Président, intervenue le 28 septembre 2007 ;
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trois de ces salariés, licenciés pour absentéisme ou négligences, avaient néanmoins bénéficié de la comptabilisation de jours de congé non pris ou de l’attribution de la prime de bilan réservée aux salariés méritants ;
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l’administration a relevé de nombreuses anomalies en faveur des intéressés, telles que l’attribution systématique d’une indemnité transactionnelle sans évaluation préalable des risques contentieux, ainsi que, dans trois cas, le versement différé des primes de bilan pour l’exercice clos en 2005, permettant d’en inclure le montant dans le calcul des indemnités de licenciement, et, dans deux cas, l’attribution d’une indemnité de licenciement d’un montant plus de deux fois supérieur à celui qui aurait été normalement dû .
«(…) dans ces conditions, en tirant de la nature des liens de ces six salariés avec l’ancien président de la société et de la concomitance de leur licenciement avec le départ de celui-ci, la conclusion que la rupture de leur contrat de travail résultait de leur départ volontaire, l’administration doit être regardée comme rapportant la preuve de l’absence de contrepartie pour la SAS Chambry Distribution au versement d’indemnités dont les intéressés ne pouvaient bénéficier qu’en cas de licenciement et dont elle a, en outre, majoré le montant par rapport à celui auquel les salariés auraient alors pu prétendre ; que ce versement s’analyse ainsi comme un acte anormal de gestion (…)»