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Contrôle et contentieux

Assouplissement des exigences formelles pour les AMR : l'identification de l'auteur prime sur la mention exacte de sa qualité

La problématique soulevée dans cet avis du Conseil d'État du 2 juillet 2025 s'inscrit dans le cadre des réformes introduites par la LFR 2016 du 29 décembre 2016, qui a modifié les conditions de forme des avis de mise en recouvrement émis à compter du 1er janvier 2017.

 

L'avis de mise en recouvrement (AMR) est un titre exécutoire établi par la DGFiP qui authentifie la créance fiscale non acquittée à la date d'exigibilité. Comme tout acte administratif, il était initialement soumis aux exigences de signature prévues par l'article L. 256 du LPF.

 

Le principe général posé par l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration impose que « toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ». Cette obligation contraignait les agents de l'administration à signer manuellement leurs décisions et à les adresser par voie postale, générant d'importants frais de gestion liés au traitement manuel des courriers et aux coûts d'affranchissement.

 

Pour remédier à cette situation, l'article 34 de la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises a prévu plusieurs dérogations, aujourd'hui codifiées à l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration. Ainsi, certains actes ont été dispensés de la signature de leur auteur « dès lors qu'ils comportent ses prénom, nom et qualité ainsi que la mention du service auquel celui-ci appartient ». Toutefois, les AMR n'étaient pas concernés par cette dispense.

 

Il a fallu attendre la loi de finances rectificative pour 2016 (article 29) pour que les AMR bénéficient enfin de cette dispense de signature manuscrite. Cette réforme a modifié l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ainsi que, par coordination, trois articles du même code et les articles L. 256 et L. 257 A du LPF, permettant l'émission d'AMR sans signature dès lors qu'ils comportent les prénom, nom et qualité de leur auteur ainsi que la mention du service d'appartenance.

 

Rappel des faits :

L'espèce oppose la SA V à l'administration fiscale dans le cadre d'un contentieux portant sur des suppléments d'impôt sur les sociétés, des contributions additionnelles à cet impôt, de la CVAE et des frais de gestion pour les exercices clos les 31 décembre 2014 et 31 décembre 2015, ainsi que sur des rappels de retenue à la source pour ces mêmes exercices.

 

La particularité de cette affaire réside dans la procédure suivie. Le TA de Montreuil, saisi de la demande de la SA V, a estimé que les questions soulevées présentaient une difficulté sérieuse justifiant le recours à la procédure prévue à l'article L. 113-1 du code de justice administrative. Cette disposition permet aux juridictions administratives de première instance de transmettre au Conseil d'État, avant de statuer, les questions de droit nouvelles présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges.

 

Le tribunal administratif de Montreuil a ainsi soumis deux questions étroitement liées à l'examen du Conseil d'État :

  • La première interroge sur l'interprétation des dispositions combinées de l'article L. 256 du LPF et des articles L. 212-1 et L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration : ces dispositions prohibent-elles toute mention erronée ou incomplète de la qualité de l'auteur d'un avis de mise en recouvrement, même lorsque cet acte comporte le nom, le prénom et le service d'appartenance de cet auteur, permettant d'identifier l'intéressé et de s'assurer de sa compétence ?
  • La seconde question, subordonnée à une réponse affirmative à la première, porte sur les conséquences de cette éventuelle irrégularité : doit-elle être regardée comme un vice entraînant automatiquement la décharge des droits et pénalités, ou comme un vice sans conséquence sur la régularité de la procédure d'imposition ?

 

Pour la SA V, l'enjeu était de faire reconnaître qu'une indication erronée ou incomplète de la qualité de l'auteur de l'avis de mise en recouvrement constitue un vice de forme substantiel, de nature à entraîner la nullité de l'acte et, par conséquent, la décharge des impositions contestées.

 

L'administration fiscale, quant à elle, défendait une interprétation plus souple, considérant que l'objectif poursuivi par les dispositions en cause est de permettre l'identification de l'auteur de l'acte et la vérification de sa compétence. Dans cette optique, l'indication exacte de la qualité ne constituerait pas une exigence absolue dès lors que l'auteur peut être identifié sans ambiguïté par les autres mentions figurant dans l'avis.

 

Le Conseil d'Etat vient de donner un avis allant dans le sens de l'administration fiscale.

 

  • Il commence par rappeler que les dispositions en cause visent à permettre au destinataire d'un AMR de connaître l'identité de son auteur, afin notamment de mettre ce destinataire à même de s'assurer que l'auteur de l'avis avait compétence pour l'émettre.
  • Puis, la haute juridiction administrative énonce ensuite le principe selon lequel un avis de mise en recouvrement n'est pas entaché d'illégalité au seul motif qu'il ne mentionne pas, ou mentionne de façon incomplète voire erronée, la qualité de son auteur, dès lors que ce dernier peut être identifié sans ambiguïté. 

Le Conseil d'État précise que cette approche découle directement de l'objectif poursuivi par les dispositions combinées des articles L. 256 du livre des procédures fiscales et L. 212-1 et L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration. L'identification de l'auteur et la vérification de sa compétence constituent les finalités essentielles de ces prescriptions formelles.

 

Les dispositions combinées de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales et des articles L. 212-1 et L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration visent à permettre au destinataire d'un avis de mise en recouvrement de connaître l'identité de son auteur, afin notamment de mettre ce destinataire à même de s'assurer que l'auteur de l'avis avait compétence pour l'émettre.

Un tel avis n'est pas entaché d'illégalité au seul motif qu'il ne mentionne pas, ou mentionne de façon incomplète voire erronée, la qualité de son auteur, dès lors que ce dernier peut être identifié sans ambiguïté.

Publié le dimanche 5 juillet 5 par La rédaction

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