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Plus-values immobilières

Cession de parts de SCI et plus-value : le piège fiscal du crédit-bail immobilier avant la levée d'option

Pour le juge de l'impôt et en matière de plus-value immobilière, les droits contractuels découlant d'un contrat de crédit-bail, aussi avantageux soient-ils pour le crédit-preneur, ne constituent pas des droits réels sur l'immeuble tant que l'option d'achat n'est pas levée.

 

L'article 150 UB du CGI prévoit que les gains nets retirés de cessions de droits sociaux de sociétés à prépondérance immobilière sont soumis au régime d'imposition des plus-values immobilières. Pour bénéficier de ce régime, la société doit avoir un actif constitué pour plus de 50 % de sa valeur réelle par des immeubles ou des droits portant sur des immeubles, cette appréciation s'effectuant à la clôture des trois exercices qui précèdent la cession.

 

À défaut de remplir cette condition de prépondérance immobilière, les plus-values de cession de parts sociales relèvent du régime général des plus-values de cession de valeurs mobilières prévu à l'article 150-0 A du CGI.

 

Au cas particulier, la difficulté résidait dans la qualification des droits détenus par le crédit-preneur dans le cadre d'un contrat de crédit-bail immobilier. Cette qualification conditionne l'appréciation du critère de prépondérance immobilière. Le PCG, à son article 212-5, dispose que le titulaire d'un contrat de crédit-bail inscrit l'immobilisation à l'actif de son bilan seulement au moment de la levée de l'option d'achat, et non pendant la période de location.

 

Rappel des faits :

M. et Mme B étaient associés dans la SCI C, société relevant de l'article 8 du CGI et ayant pour activité la conclusion de contrats de crédit-bail immobiliers. Cette SCI avait conclu le 23 mars 2000 un contrat de crédit-bail immobilier avec la société B, portant sur des constructions à édifier dans une zone d'activités  pour un montant initial de 423 808 €, ultérieurement porté à 1 153 808 € par un avenant du 14 septembre 2006.

Ce contrat prévoyait une levée d'option au bénéfice de la SCI C au prix symbolique d'un euro, cette option étant exercable à l'issue du bail, soit le 1er mai 2019. Le 25 juin 2018, soit près d'un an avant la date d'échéance de l'option, M. et Mme B ont cédé les 25 parts sociales qu'ils détenaient chacun dans la SCI.

La plus-value nette réalisée, d'un montant de 448 707 €, a été initialement déclarée et soumise au régime des plus-values immobilières prévu à l'article 150 UB du CGI. Cependant, par une proposition de rectification du 22 janvier 2021, l'administration fiscale a remis en cause ce traitement fiscal, considérant que la SCI C n'était pas à prépondérance immobilière au sens de l'article 150 UB du CGI.

En conséquence, l'administration a imposé la plus-value selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux prévu à l'article 150-0 A du CGI, générant des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales pour un montant total de 185 195 €

 

Après rejet de leur réclamation par décision du 6 janvier 2022, les contribuables ont saisi le tribunal administratif de Rennes, qui a rejeté leur demande par jugement du 16 octobre 2024.

 

 

C'est de ce jugement que les époux B ont fait appel devant la CAA de Nantes.

 

Les époux B :

Les droits détenus dans le cadre d'un contrat de crédit-bail immobilier par la société constituent, tant qu'elle n'acquiert pas la propriété de l'immeuble, des droits de nature mobilière. Ils ne sont donc pas à prendre en compte au numérateur pour l'appréciation de la prépondérance immobilière.

Ils soutiennent qu'un contrat de CBI confère au crédit-preneur des droits sur l'immeuble faisant l'objet du contrat, droits qui devraient être pris en compte pour l'appréciation du critère de prépondérance immobilière.

  • Pour étayer cette position, ils invoquent la cohérence du système fiscal, faisant valoir que d'autres dispositifs fiscaux reconnaissent l'existence de droits sur les immeubles dans le cadre de contrats de crédit-bail. Ils citent notamment les paragraphes 10 à 50 de la documentation administrative BOI-PAT-IFI-20-30-30 du 8 juin 2018 relative à l'IFI.
  • Ils se prévalent également d'une réponse ministérielle à la question écrite n° 6568, publiée au JO Sénat le 31 octobre 2013, qui confirmerait que les droits afférents à des contrats de crédit-bail immobilier doivent être pris en compte pour l'appréciation de la prépondérance immobilière....mais en matière de PVLT (Art. 219-I-a sexies-0 bis du CGI)
  • Au-delà de ces arguments juridiques, les époux B soulèvent des moyens de constitutionnalité, estimant que l'exclusion des crédits-preneurs de l'interprétation de l'article 150 UB du CGI méconnaissait le principe d'égalité devant l'impôt garanti par l'article 6 de la DDHC. Ils soutiennent également que l'appréciation à géométrie variable de la notion de droits portant sur des biens immobiliers portait atteinte au principe d'intelligibilité de la loi découlant de l'article 14 de la même Déclaration.

 

La Cour vient de rejeter la requête des époux B

  • Concernant l'application de la loi fiscale : La Cour a jugé que, conformément aux dispositions comptables (article 212-5 du plan comptable général), le crédit-preneur n'acquiert un droit réel sur l'immeuble et ne l'inscrit à son actif qu'au moment de la levée de l'option d'achat. Or, à la date de cession des parts de la SCI C (25 juin 2018), l'option d'achat n'était pas encore levée et ne pouvait l'être qu'au 1er mai 2019. En conséquence, l'immeuble objet du contrat de crédit-bail ne pouvait avoir été régulièrement inscrit à l'actif de la société au moment de la cession.
  • Concernant les références invoquées par les contribuables à d'autres dispositifs fiscaux, la Cour a considéré que ces éléments étaient sans incidence sur l'interprétation de l'article 150 UB du CGI, chaque disposition devant être analysée dans son contexte spécifique. Elle a estimé que la réponse ministérielle invoquée concernait l'article 219 du CGI (impôt sur les sociétés) et non l'impôt sur le revenu. De même, les documentations administratives citées par les requérants (BOI-PAT-IFI-20-30-30 et BOI-ENR-DMTOI-10-60) concernent respectivement l'IFI et les droits d'enregistrement, et non l'impôt sur le revenu. Ces documents ne pouvaient donc être utilement invoqués.

  • Sur les moyens d'ordre constitutionnel (égalité devant l'impôt et intelligibilité de la loi) : La Cour a rejeté ces moyens, car ils n'avaient pas été soulevés par un mémoire distinct et motivé, conformément aux dispositions de l'article R. 771-3 du code de justice administrative. Le juge administratif ne peut se prononcer sur de tels moyens qu'à cette condition de forme.

 

Pour l'application du régime des plus-values immobilières prévu à l'article 150 UB du CGI, les biens objets d'un crédit-bail ne sont pas considérés comme des "immeubles" ou "droits portant sur des immeubles" au bilan de la société avant la levée de l'option d'achat.

 

Publié le jeudi 17 juillet 2025 par La rédaction

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