Le juge de l'impôt nous confirme que la garantie contre les changement de doctrine est strictement limitée aux situations de rehaussement et ne peut en aucun cas être invoquée dans le cadre d'une demande de restitution ou de dégrèvement. Il réaffirme ainsi que l'administration fiscale ne dispose d'aucun pouvoir normatif et que ses instructions ne peuvent créer de droits au profit des contribuables au-delà des cas expressément prévus par la loi.
Pour mémoire, l'article L. 80 A du LPF constitue l'une des principales garanties accordées au contribuable dans le cadre de ses relations avec l'administration fiscale. Son second alinéa dispose que lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées, et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, "elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente".
Cette disposition s'inscrit dans un objectif de sécurité juridique, visant à protéger le contribuable contre les changements de doctrine de l'administration. Son champ d'application est strictement circonscrit aux situations où l'administration cherche à opérer des rehaussements d'imposition sur la base d'une interprétation différente de celle qu'elle avait précédemment admise.
Rappel des faits :
La société H demandait la restitution d'une somme de 796 682 € correspondant à la TVA sur la marge afférente à des opérations de cession de terrains acquittée pour l'année 2005. Déboutée en première instance puis en appel, la société formait un pourvoi en cassation devant le Conseil d'État.
La particularité du litige résidait dans le fait que la demande de restitution ne portait pas sur un rehaussement d'imposition, mais sur une demande de dégrèvement. La société soutenait que l'administration avait méconnu sa propre doctrine administrative telle qu'elle résultait de ses documentations de base.
La société soulevait simultanément une QPC portant sur la conformité à la Constitution des mots "elle ne peut poursuivre aucun rehaussement" figurant au second alinéa de l'article L. 80 A du LPF, invoquant une violation des principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques.
Sur le fond, la société H soutenait que la formulation de l'article L. 80 A du LPF créait une discrimination entre les contribuables faisant l'objet d'un rehaussement et ceux sollicitant un dégrèvement, ces derniers ne pouvant pas bénéficier de la garantie alors même qu'ils avaient appliqué la loi conformément à l'interprétation administrative. Sur le terrain des principes constitutionnels, la société invoquait une violation des articles 6 et 13 de la DDHC, estimant que cette limitation du champ d'application de l'article L. 80 A aux seuls rehaussements constituait une rupture de l'égalité devant la loi et devant les charges publiques.
Le Conseil d'État vient de rejeter l'ensemble des arguments de la société requérante, confirmant la jurisprudence constante sur la portée de l'article L. 80 A du LPF
Concernant la QPC, la Haute juridiction administrative :
- rappelle, d'une part, la finalité spécifique de l'article L. 80 A, du LPF, qui vise exclusivement à prémunir le contribuable contre les changements de doctrine de l'administration dans le cadre de rehaussements d'imposition.
- souligne, d'autre part, que le législateur n'a pas entendu conférer à l'administration un pouvoir normatif en matière fiscale par le biais de cet article.
La différence de traitement entre contribuables faisant l'objet d'un rehaussement et ceux demandant une restitution est donc parfaitement justifiée par la différence de situation et par l'objectif poursuivi par le législateur.
Le Conseil d'État considère dès lors que la QPC est dépourvue de caractère sérieux.