Nouvelle illustration de la rigueur avec laquelle le juge applique les conventions fiscales internationales, en rejetant une demande de restitution de retenues à la source formulée par un trust américain qui ne parvenait pas à établir de manière probante le respect des conditions conventionnelles.
Pour mémoire, les articles 119 bis et 187 du CGI prévoient l'application d'une retenue à la source (dont le taux varie selon la qualité du bénéficiaire) aux dividendes de source française perçus par des personnes morales n'ayant pas leur siège en France.
Ce régime de droit commun peut toutefois être tempéré par l'application des conventions fiscales internationales, qui prévoient généralement des taux réduits pour éviter la double imposition. La convention franco-américaine du 31 août 1994 prévoit ainsi à son article 10 un taux de retenue de 15% pour les dividendes versés à des résidents américains, sous réserve que le bénéficiaire effectif soit bien un résident de l'autre État contractant.
Toute la complexité réside dans la définition de ce terme. L'article 4 de la convention précise qu'un « résident » est une personne assujettie à l'impôt dans son État en raison de son domicile ou de son siège. Il contient une clause essentielle, au paragraphe 2(b)(ii), qui étend cette qualité aux trusts de retraite et organismes similaires, même s'ils sont exonérés d'impôt aux États-Unis, pourvu qu'ils soient constitués exclusivement aux fins d'administrer des fonds de retraite et qu'ils soient constitués ou patronnés par un résident américain.
ii) même s'ils sont exonérés d'impôt sur le revenu dans cet Etat, les " trusts " de retraite et les autres organismes constitués dans cet Etat et établis exclusivement aux fins d'administrer des fonds ou de verser des prestations en matière de retraite ou d'avantages sociaux au profit des salariés, et qui sont constitués ou patronnés (" sponsored ") par une personne qui est un résident de cet Etat au sens du présent article, ainsi que les organismes sans but lucratif constitués et établis dans cet Etat, à condition que la législation de cet Etat ou, dans le cas des Etats-Unis, de l'une de ses subdivisions politiques, limite la jouissance et la disposition des biens de ces organismes, à la fois durant leur existence et lors de leur dissolution ou liquidation, à la réalisation de l'objet qui fonde leur exonération d'impôt sur le revenu ;
Rappel des faits :
Le trust de droit américain Schwab Institutional Trust Fund avait perçu des dividendes de sociétés françaises au cours des années 2019 et 2020, soumis aux retenues à la source de droit commun. Charles Schwab Trust Bank, agissant pour le compte de ce trust, sollicitait une restitution partielle de 169 924,31 € correspondant à l'application du taux conventionnel de 15% au lieu des taux de droit commun.
Le trust comportait deux catégories de participants : d'une part, dix fonds de pension individuels présentés comme des plans de retraite exonérés selon la législation américaine, d'autre part, le Schwab Managed Retirement Trust Group Trust, lui-même constitué de 700 participants correspondant à des régimes de retraite américains et détenant des parts dans le trust principal.
La banque américaine, pour justifier sa position, se fondait sur l'article 4 de la convention fiscale franco-américaine. Elle soutenait que les dix participants au trust constituaient des plans de retraite exonérés selon la législation américaine et devaient être considérés comme des résidents fiscaux américains éligibles au taux réduit de 15%. Pour le Schwab Managed Retirement Trust Group Trust, elle invoquait sa qualité de trust résident américain exonéré, composé de régimes de retraite relevant des sections 401(a) et 457 de l'IRC.
L'administration fiscale de son côté, opposait une fin de non-recevoir générale, contestant le bien-fondé de l'ensemble des moyens soulevés et en exigeant la preuve que chaque entité remplissait effectivement les conditions pour être qualifiée de fonds de pension résident au titre des années litigieuses.
Le tribunal vient de rejeter la requête de la Charles Schwab Trust Bank.
- Concernant l'application du droit interne, les juges ont estimé que l'administration était fondée à appliquer les retenues à la source prévues par les articles 119 bis et 187 du CGI, le trust n'ayant manifestement pas son siège en France.
- Concernant l'examen des conditions conventionnelles, le juge a fait à une analyse des justificatifs produits pour chacun des fonds de pension concernés.
- Concernant les dix fonds de pension identifiés, le tribunal a relevé que les lettres de détermination de l'IRS (l'administration fiscale américaine) produites pour justifier de leur statut de fonds de pension qualifié étaient soit explicitement expirées avant les années en litige (2019-2020), soit si anciennes qu'elles ne pouvaient établir leur statut pour ces mêmes années. La preuve n'était donc pas rapportée.
- Concernant le Schwab Managed Retirement Trust Group Trust, représentant pourtant la part majoritaire des investissements (67,99% en 2019 et 73,23% en 2020), le tribunal a constaté l'insuffisance des justificatifs produits. Bien que sa qualification sous le Ruling 81-100 (Group Trust) soit établie par une lettre IRS de 2005 et que son patronage par Charles Schwab Trust Bank soit démontré, le juge de l'impôt a estimé que la banque n'était pas parvenue à prouver que chacun des 700 membres de ce trust répondait individuellement aux critères de l'article 4 de la convention franco-américaine
Un Group Trust est un trust conçu pour détenir les actifs de nombreux plans de retraite individuels ou séparés. Un Group Trust peut être exempté d'impôt en demandant et en revendiquant un statut fiscal spécial 81-100 auprès de l'IRS.