Rappel du régime fiscal applicable aux pièces d'or et médailles dans le cadre de la taxe forfaitaire sur les métaux précieux.
Le litige porte sur l'application de la taxe forfaitaire sur les cessions de métaux précieux, de bijoux, d'objets d'art, de collection et d'antiquité (TFOP) prévue à l'article 150 VI du CGI. Cette taxe forfaitaire s’applique à défaut d’option du contribuable pour le régime de droit commun d’imposition des plus-values sur biens meubles. Il en est notamment ainsi lorsque le redevable ne peut pas prouver la date d’acquisition de l’objet permettant de déterminer les modalités d’application de l’abattement pour durée de détention.
Jusqu’au 31 décembre 2017, le taux de cette taxe était de :
- 10 % pour les métaux précieux ;
- 6 % pour les bijoux, les objets d’art, de collection ou d’antiquité.
(Ces taux étaient respectivement de 7,5 % et de 4,5 % jusqu’à leur augmentation résultant de l’article 19 de la LF pour 2014).
L’article 30 de la LF pour 2018 a augmenté d’un point, de 10 à 11 %, le taux de la taxe forfaitaire pesant sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d’art, de collection et d’antiquité.
L'article 150 VI du CGI soumet ainsi à la taxe forfaitaire les cessions à titre onéreux de métaux précieux d'une part, et de bijoux, objets d'art, de collection ou d'antiquité d'autre part. Toutefois, l'article 150 VJ du même code prévoit des exonérations, notamment au 4° pour les cessions des biens mentionnés au 2° du I de l'article 150 VI (bijoux, objets d'art, de collection ou d'antiquité) lorsque le prix de cession n'excède pas 5 000 €. La distinction entre ces catégories est donc cruciale pour déterminer le régime fiscal applicable, notamment concernant le bénéfice de l'exonération pour les cessions inférieures à 5 000 €.
S'agissant des bijoux, la doctrine BOFIP-Impôts précise qu'il s’agit notamment des articles suivants :
- perles fines ou de culture ni montées ni serties ;
- diamants ni montés ni sertis (à l’exclusion des biens à usage industriel) ;
- pierres gemmes ni montées ni serties (à l’exclusion des biens à usage industriel)
- pierres synthétiques ou reconstituées ni montées ni serties (à l’exclusion des biens à usage industriel) ;
- ouvrages en perles fines et de culture, en pierre gemme ou en pierre synthétique (à l’exclusion des biens à usage industriel) ;
- articles de bijouterie ou de joaillerie et leurs parties en métaux précieux ou en plaqués ou doublés de métaux précieux, y compris les ébauches et articles incomplets ;
- articles d'orfèvrerie et leurs parties en métaux précieux ou en plaqués ou doublés de métaux précieux, y compris les ébauches et articles incomplets ;
- bijouterie de fantaisie ;
- montres-bracelets, montres de poche et similaires ;
- bracelets de montres et similaires en métaux précieux ;
- autres ouvrages en métaux précieux.
Les objets d’or et d’argent travaillés sont classés parmi les bijoux et assimilés, par analogie avec la bijouterie, et ne relèvent donc pas de la catégorie des métaux précieux. Cette règle comporte toutefois une exception : les monnaies d’or et d’argent sont considérées soit comme des métaux précieux lorsqu’elles sont postérieures à 1800 (cf. I-A § 20), soit comme des objets de collection lorsqu’elles sont antérieures à cette date (cf. I-B-3 § 70).
Rappel des faits :
La SARL NA exerce une activité d'achat de pièces d'or et d'argent, de bijoux et de débris de bijoux auprès de particuliers, qu'elle revend au comptoir général des métaux précieux pour les marchandises destinées à la fonte et à la société NB pour les pièces sans défaut majeur. Suite à une vérification de comptabilité en 2019, l'administration fiscale a assujetti la société à des rappels de taxe forfaitaire sur les ventes de métaux précieux, au titre de la période du 1er juillet 2015 au 31 mai 2018, assortis d'une amende de 25% prévue à l'article 1761 du CGI.
Après un rejet de sa demande par le tribunal administratif de Poitiers le 28 mars 2023, la société a fait appel devant la CAA de Bordeaux.
La SARL NA contestait l'application de la taxe sur les métaux précieux en soutenant que :
- Les pièces d'or qu'elle avait acquises et revendues étaient des copies de pièces de monnaie démonétisées, appelées "Jetons" ou "Refrappes", et des médailles.
- Ces biens devaient être qualifiés de bijoux et non de métaux précieux, ce qui permettait de bénéficier de l'exonération pour les cessions dont le prix unitaire est inférieur à 5 000 €.
- Le prix d'achat inférieur à celui d'une pièce originale établissait qu'il s'agissait de jetons ou refrappes.
Elle invoquait également l'interprétation de la doctrine administrative (BOI-RPPM-PVBMC-20-10 du 23 avril 2013) qui qualifie de bijoux les objets d'or et d'argent travaillés.
La Cour administrative d'appel de Bordeaux vient de rejeter la requête de la société NA
Elle estime :
- que la société n'a apporté aucune preuve au soutien de ses allégations selon lesquelles elle aurait exclusivement acquis des "Jetons" ou "Refrappes".
- que le prix d'achat inférieur à celui d'une pièce originale ne suffit pas à établir la nature des biens, car ce prix ne peut présumer de la valeur intrinsèque d'une pièce.
- que les pièces d'or et les médailles ne peuvent être qualifiées de bijoux au sens de l'article 150 VI du CGI, qui s'entendent des objets ouvragés, précieux par la matière ou par le travail, destinés à être portés à titre de parure.
- que ces biens ne répondent pas davantage à la définition d'objet d'art, de collection ou d'antiquité, car ils ne satisfont pas aux critères de rareté et d'ancienneté.
- que le vérificateur avait déjà fait preuve de bienveillance en extournant certaines pièces (les "10 dollards-or" et les "Ecu argent"), considérant qu'elles avaient été émises avant 1800. Cependant, la société n'a pas démontré que les autres pièces entraient dans la catégorie des bijoux et assimilés, ni que le registre de police, les factures ou la comptabilité distinguaient les pièces antérieures à 1800 de celles postérieures.
Par conséquent, la Cour a confirmé l'application de la taxe sur les métaux précieux.
L'arrêt souligne l'interprétation stricte de la notion de "bijou" pour l'application de la taxe, excluant expressément les pièces d'or et médailles de cette catégorie, sauf preuve qu'elles répondent aux critères spécifiques de la doctrine administrative pour être considérées comme des objets travaillés assimilés à de la bijouterie, ce qui impliquerait de distinguer notamment les monnaies ayant eu cours légal de simples copies ou médailles, et de justifier de leur date d'émission le cas échéant.