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Les frais techniques d’accès aux marchés sont indissociables des opérations de négociation de titres exonérées de TVA

Le juge de l'impôt nous propose un éclairage bienvenu concernant le régime de TVA applicable aux prestations techniques liées à l'accès aux marchés financiers.

 

Pour mémoire, l’article 261 C-1 du CGI, qui transpose l’article 13-B-d-1 de la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977 (Directive TVA) exonère de  TVA, sans possibilité d’option, certaines opérations bancaires et financières limitativement énumérées.

 

L’exonération de la TVA prévue à l'article 261 C-1°-e du CGI s’applique ainsi aux opérations qui portent sur des titres tels que :

  • les actions, parts de fondateur ou parts bénéficiaires ;
  • les certificats représentatifs d'action ou de parts ;
  • les obligations ou bons de sociétés, associations, groupements ;
  • les obligations ou bons des départements, communes, établissements publics, collectivités publiques ;
  • les rentes et valeurs d'État, etc.

 

Il s'agit de toutes les opérations qui sont relatives aux titres définis ci-avant, à la seule exception des opérations de garde et de gestion.

Sont notamment exonérés :

  • les commissions sur ordre de bourse ;
  • les commissions de souscription ou de placement ;
  • les profits réalisés sur la vente de titres ;
  • les commissions d'encaissement de coupons lorsque cet encaissement n'est pas effectué dans le cadre d'une opération de garde ou de gestion d'un portefeuille.

L'exonération de TVA des opérations bancaires et financières est justifiée par la difficulté à identifier une assiette traduisant la valeur ajoutée des services financiers, la distinction entre les revenus générés par les services financiers et les transactions en capital n'étant pas toujours clairement effectuée dans la comptabilité. En outre, le fait générateur de l'imposition à la TVA est complexe à isoler dans le secteur financier. Par conséquent, la législation européenne en matière de TVA a prévu dès l'origine une exonération de ces opérations.

Enfin, soulignons que l'article 257 ter du CGI, prévoit que les éléments si étroitement liés qu'ils forment objectivement une seule prestation économique indissociable relèvent d'une seule et même opération. C'est le principe de la prestation complexe unique. Une de ses déclinaisons est la théorie de l'accessoire, selon laquelle une prestation est considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu'elle ne constitue pas pour la clientèle une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal. Dans ce cas, la prestation accessoire suit le régime fiscal de la prestation principale.

 

 

Rappel des faits :

La société M Finance, qui exerce pour son propre compte une activité de trading sur des instruments financiers dérivés, a sollicité le remboursement d’un crédit de TVA d’un montant total de 311 364 € correspondant à la TVA auto-liquidée sur les frais de connexion aux marchés facturés par trois plateformes étrangères (Eurex en Allemagne, Borsa Italiana en Italie, Chicago Mercantile Exchange aux États-Unis) pour la période 2020-2021.

Elle arguait que ces prestations, bien qu’autonomes sur le plan contractuel et comptable, étaient inséparables des opérations de négociation de titres, elles-mêmes exonérées de TVA en vertu de l’article 261 C, 1° e du CGI, transposant l’article 135, 1, f de la directive 2006/112/CE.

Face au rejet implicite de sa demande par l’administration fiscale, qui soutenait que les services litigieux constituaient des prestations techniques imposables, la société a saisi la juridiction administrative.

 

En l'espèce, le régime de la prestation principale ne faisait pas débat. L'activité de la société M Finance consistait en des opérations d'achat et de vente de titres pour son propre compte. Ces opérations sont expressément exonérées de TVA, sans possibilité d'option, en application de l'article 261 précité.

 

La question centrale était donc de déterminer si les frais de connexion, ou « connection fees », facturés à la société constituaient une prestation autonome, et donc taxable, ou l'accessoire de ces opérations financières exonérées.

 

Devant le tribunal, M Finance soutenait

  • que les services de connexion, bien que facturés séparément, étaient indissociables et indispensables à son activité principale de négociation.

Ces connexions à très haut débit n'avaient pas de finalité autonome mais constituaient le seul moyen technique d'accéder aux plateformes de négociation dans les conditions de célérité requises par son activité. Le recours à un prestataire tiers était exclu, faisant de ces frais une condition sine qua non de la réalisation des opérations sur titres. 

  • L'administration fiscale, quant à elle, s'en tenait à une lecture plus littérale, considérant que la facturation distincte et la nature technique du service suffisaient à caractériser une prestation autonome et donc taxable, dissociable de l'opération financière exonérée.

 

Le Tribunal a fait droit à la demande de la société M Finance.

 

Pour ce faire, il s'est fondée sur l’article 257 ter du CGI susvisé, dont les dispositions organisent le traitement fiscal des prestations composites, en reprenant la jurisprudence de la CJUE, notamment les arrêts CSC Financial Services (CJUE, 13 déc. 2001, C-235/00) et Frenetikexito (CJUE, 4 mars 2021, C-581/19).

 

Il en ressort que les prestations accessoires (c’est-à-dire celles qui ne présentent pas d’intérêt autonome pour le preneur mais qui permettent de bénéficier utilement de la prestation principale) suivent le régime de celle-ci. Deux critères sont mobilisés :

  • d’une part, l’absence de finalité propre du service accessoire du point de vue du « consommateur moyen » (ici, l’opérateur de marché professionnel) ;
  • d’autre part, la marginalité de sa valeur économique relative.

Au cas particulier, le tribunal a précisé que l’accès technique aux plateformes était une condition sine qua non de la négociation directe sur les marchés. Les frais de connexion, facturés séparément, ne permettent pas, en eux-mêmes, de produire un effet économique distinct : ils constituent un préalable logistique et technologique indispensable à la réalisation des opérations boursières.

 

Par ailleurs, leur montant est faible (10 %) par rapport aux frais de négociation proprement dits, renforçant leur caractère accessoire.

 

Dès lors, le service de connexion est intégré à une opération unique englobant l’accès à la plateforme et la passation des ordres, elle-même exonérée de TVA en tant qu’opération portant sur des titres financiers.

 

La société ayant auto-liquidé la TVA (en sa qualité de preneur assujetti recevant une prestation d’un prestataire établi hors de France), elle était fondée à solliciter le remboursement du crédit de taxe correspondant, dès lors que la prestation était en réalité exonérée.

 

 

 

Publié le mercredi 18 juin 2025 par La rédaction

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