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Evasion fiscale

Imposition des avoirs figurant sur des comptes à l'étranger non déclarés : la simple « présomption de titularité » ne suffit pas

Le juge de l'impôt nous rappelle les conditions dans lesquelles l'administration fiscale peut imposer les avoirs figurant sur des comptes à l'étranger non déclarés. La simple "présomption de titularité" ne suffit pas ; l'administration doit établir, pour la taxation aux droits de mutation à titre gratuit, que le contribuable a ouvert, utilisé ou clos le compte au cours de la période en litige.

 

En vertu de l'article 1649 A du CGI, les contribuables domiciliés en France doivent déclarer, lors de leur déclaration de revenus, l'ensemble de leurs comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Le non-respect de cette obligation expose le contribuable à des sanctions fiscales. L'article 344 A de l'annexe III du CGI, dans sa rédaction issue du décret n° 91-150 du 7 février 1991, précise qu'un compte bancaire est réputé avoir été utilisé dès lors que le contribuable a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration.

 

Pour lutter contre la fraude fiscale internationale, le législateur a mis en place une procédure spécifique à l'article L. 23 C du LPF. Cette disposition permet à l'administration fiscale, lorsque l'obligation déclarative n'a pas été respectée au moins une fois au cours des dix années précédentes, de demander au contribuable de justifier l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs figurant sur ces comptes.

 

En l'absence de réponse ou en cas de réponse insuffisante, l'article 755 du CGI prévoit que ces avoirs sont présumés constituer un patrimoine acquis à titre gratuit, taxable aux droits de mutation au taux le plus élevé (60%).

 

Pour mémoire, les sages ont jugé que les dispositions des articles L. 23 C du LPF, dans sa rédaction issue de la LFR pour 2012, et de l’article 755 du CGI, dans sa rédaction résultant du décret n° 2013-463 du 3 juin 2013 étaient conforme à la constitution.  Dans cette décision n°2021-939 QPC du 15 octobre 2021, le Conseil Constitutionnel a refusé de sanctionner le régime des articles L 23 C du LPF et 755 du CGI, considérant que ce dispositif de taxation des avoirs à l'étranger ne méconnaissait ni le principe d'égalité devant les charges publiques ni le principe d'égalité devant la loi.

 

Rappelons que le 6 novembre 2024, la Cour de Cassation a sursis a statuer dans le cadre d'un contentieux relatif à la détention d'avoirs non déclarés à l'étranger dans l'attente de la réponse de la CJUE à une question préjudicielle portant sur la compatibilité de l'article 755 du CGI avec le droit européen.

Par ailleurs, l'article L. 55 du LPF encadre la procédure de rectification contradictoire et rappelle que la charge de la preuve des insuffisances ou omissions dans les déclarations pèse sur l'administration.

 

Rappel des faits :

Le 14 décembre 2017, l'administration fiscale a notifié à M. B. deux propositions de rectification :

  • L'une portant taxation d'office aux droits de mutation à titre gratuit des avoirs figurant sur un compte suisse n° XXXXXXXXXX06 auprès de la banque Pictet à Genève, puis sur un compte n° XXXXXXXXXX04 auprès de la même banque aux Bahamas, qu'il aurait détenus de 2006 à 2011 sans les déclarer ;
  • L'autre portant rappel d'ISF pour les années 2007 et 2008, après réintégration dans l'assiette imposable des avoirs figurant sur ces comptes au 1er janvier de chacune de ces années.

Cette procédure faisait suite au refus de M. B. de répondre à une demande d'informations et de justifications sur l'origine et les modalités d'acquisition de ces avoirs, adressée en application de l'article L. 23 C du LPF.

 

Après le rejet de sa réclamation contentieuse, M. B. a assigné l'administration fiscale en annulation de la décision de rejet et en décharge des droits, impositions et pénalités mis en recouvrement. Le TGI d'Avignon puis la CA de Nîmes ont rejeté sa demande, ce qui l'a conduit à se pourvoir en cassation.

 

L'administration fiscale soutient que M. B. était titulaire des comptes litigieux, en se fondant principalement sur un procès-verbal d'exploitation d'un fichier informatique transmis par l'autorité judiciaire. Ce document provenait d'une enquête préliminaire concernant un certain M. P., dont l'ordinateur contenait un fichier mentionnant M. B. en lien avec le compte n° XXXXXXXXXX06. Selon l'administration, cet élément établissait une présomption suffisante de titularité de M. B. sur le compte en question, justifiant ainsi :

  • La taxation d'office aux droits de mutation à titre gratuit des avoirs y figurant, calculés sur leur valeur la plus élevée connue, soit celle au 30 juin 2007 ;
  • La réintégration de ces avoirs dans l'assiette de l'ISF pour les années 2007 et 2008.

L'administration considére que les réponses négatives obtenues des autorités suisses et bahaméennes dans le cadre de l'assistance administrative internationale n'étaient pas de nature à remettre en cause cette présomption.

 

La Cour de cassation vient de casser l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes 

 

  • S'agissant des droits de mutation à titre gratuit (DMTG), la Cour rappelle qu'en vertu des articles 1649 A du CGI et 344 A de l'annexe III, l'administration fiscale ne peut imposer les avoirs figurant sur un compte ouvert à l'étranger non déclaré que si elle établit que le contribuable a ouvert, clos ou utilisé ledit compte.

La cour d'appel, en se fondant uniquement sur une "présomption de titularité" résultant du fichier informatique de M. P., sans rechercher si M. B. avait effectivement ouvert, utilisé ou clos le compte au cours de la période en litige, n'a pas donné de base légale à sa décision.

  • Concernant l'ISF, la Cour se fonde sur les articles 885 A et 885 E du CGI, ainsi que sur l'article L. 55 du LPF, pour rappeler que l'administration fiscale ne peut réintégrer dans l'assiette de l'ISF des avoirs figurant sur un compte bancaire que si elle établit que ces avoirs composent effectivement le patrimoine du contribuable au 1er janvier de l'année considérée. En se fondant sur de simples présomptions de titularité pour retenir le bien-fondé de la réintégration, sans constater que les avoirs appartenaient réellement à M. B., la cour d'appel a violé ces textes.

 

Conditions dans lesquelles l'administration fiscale peut imposer les avoirs figurant sur des comptes à l'étranger non déclarés. La simple "présomption de titularité" ne suffit pas ; l'administration doit établir :

  • Pour la taxation aux droits de mutation à titre gratuit, que le contribuable a ouvert, utilisé ou clos le compte au cours de la période en litige.

 

Publié le mardi 13 mai 2025 par La rédaction

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