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Prix de transfert

Article 57 du CGI : la constatation d'un résultat d'exploitation négatif ne suffit pas à établir un transfert de bénéfices

Nouvelle décision en matière de transfert indirecte de bénéfices et des conditions d'application de l'article 57 du CGI qui nous rappelle les limites de la présomption de transfert de bénéfices instituée par ce texte, notamment lorsque l'administration fiscale se fonde sur la situation déficitaire d'une entreprise française membre d'un groupe international.

 

Pour mémoire, l'article 57 du CGI permet à l'administration de réintégrer aux résultats d'une entreprise française les bénéfices indirectement transférés à une entreprise étrangère du même groupe. L'application de cet article est soumise à deux conditions cumulatives : l'existence de liens de dépendance entre les entreprises et la preuve d'un transfert de bénéfices.

 

La jurisprudence a progressivement clarifié les moyens de preuve du transfert. L'administration peut se fonder sur une comparaison des prix de transaction (comparables internes ou externes) pour établir l'existence d'un avantage qu'elle est en droit de réintégrer. À défaut de telles comparaisons, elle doit, pour établir l'existence d'une libéralité, démontrer un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien ou du service rendu.

 

Mais, rappelons-le...dans tous les cas, le service vérificateur ne peut se contenter d'établir que des charges sont excessives, sans prouver qu'elles ont été engagées dans l'unique intérêt d'une société étrangère du groupe.

 

Rappel des faits :

La société DT France, distributeur exclusif sur le marché français de systèmes d’impression grand format, est détenue indirectement par la société italienne DP AG. Elle a fait l’objet d’une vérification de comptabilité pour les exercices 2014 à 2016. À l’issue du contrôle, l’administration a remis en cause son déficit reportable de 2014 et notifié des suppléments d’IS, de CVAE et de retenue à la source pour 2015 et 2016.

  • L'administration a fondé ses rectifications sur une approche comparative intra-groupe, relevant que la société française était la seule, avec la filiale belge, à présenter des marges négatives. Cette observation l'a conduite à considérer que la société française ne percevait pas une rémunération suffisante pour ses fonctions de distributeur, créant ainsi un transfert de valeur vers les autres entités du groupe.
  • L'administration a également remis en cause certaines charges facturées par les sociétés mères, les considérant comme dépourvues de contreparties réelles pour la filiale française
  • Enfin, elle a estimé qu’en 2016, la prise en charge par la société française d’un surcoût d’encre lié à un défaut de fabrication d’une machine, ainsi que la perte de contrats consécutive à cet incident, incombaient aux fabricants étrangers.

Sur cette base, le service a recalculé les résultats imposables en appliquant des taux de marge de comparables au chiffre d’affaires déclaré et, pour 2016, à un chiffre d’affaires reconstitué égal à celui de 2015. Au final, les rectifications ont porté sur des montants significatifs : 107 708 € au titre de 2015, 161 905 € également pour 2015 et 478 751 € pour 2016, accompagnées du rétablissement du déficit reportable de 2014.

 

La société conteste tant la méthode employée que le principe même des rehaussements. Elle soutient :

  • que le seul constat d’un déficit ne suffit pas à établir un transfert de bénéfices,
  • que les charges critiquées correspondaient à des contreparties réelles,
  • que le retraitement du chiffre d’affaires 2016 était infondé
  • et que la méthode de détermination de la rentabilité retenue était arbitraire.

 

Le Tribunal Administratif de Melun vient de trancher en faveur DT France

 

Il a, tout d'abord, rappelé les conditions d'application de l'article 57 du CGI.

lorsqu'elle constate que les prix facturés par une entreprise établie en France à une entreprise étrangère qui lui est liée - ou ceux qui lui sont facturés par cette entreprise étrangère - sont inférieurs - ou supérieurs - à ceux pratiqués, soit par cette entreprise avec d'autres clients dépourvus de liens de dépendance avec elle, soit par des entreprises similaires exploitées normalement avec des clients dépourvus de liens de dépendance, sans que cet écart s'explique par la situation différente de ces clients, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un avantage qu'elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l'entreprise établie en France, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties aux moins équivalentes.

A défaut d'avoir procédé à de telles comparaisons, l'administration n'est, en revanche, pas fondée à invoquer la présomption de transferts de bénéfices ainsi instituée mais doit, pour démontrer qu'une entreprise a consenti une libéralité en facturant des prestations à un prix insuffisant - ou en les payant à un prix excessif -, établir l'existence d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ou du service rendu.

Par ailleurs, l'administration fiscale ne peut bénéficier de la présomption de transfert indirect de bénéfices à l'étranger instaurée par les dispositions de l'article 57 du code général des impôts lorsqu'elle se prévaut du seul caractère excessif de charges exposées par une société française, sans établir que celles-ci l'auraient été dans le seul intérêt de sociétés étrangères du même groupe.

 

Au cas d'espèce, le juge a estimé que l'administration fiscale n'avait pas satisfait aux exigences probatoires de l'article 57 du CGI.

 

Il a relevé que le service n'avait ni procédé à des comparaisons de prix de pleine concurrence, ni démontré un écart injustifié entre les prix pratiqués et la valeur vénale des biens et services.

 

Le tribunal a également rappelé la règle selon laquelle le service ne peut se prévaloir de la seule nature excessive de certaines charges pour établir un transfert de bénéfices sans démontrer que ces charges ont été exposées dans le seul intérêt des autres sociétés du groupe.

 

Le tribunal a ainsi censuré la méthode de l'administration, qui s'était contentée d'observer la situation déficitaire de la filiale française pour en déduire, sans preuve concrète, l'existence d'un transfert de bénéfices. En l'absence de comparables pertinents et de démonstration d'une libéralité, la présomption de l'article 57 du CGI ne pouvait s'appliquer.

 

Partant, les réintégrations opérées au titre de 2015 (107 708 €), 2015 (161 905 €) et 2016 (478 751 €) étaient infondées. Le tribunal rétablit donc le déficit reportable de 2014 et prononce la décharge des impositions supplémentaires en litige

Publié le lundi 11 août 2025 par La rédaction

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