Responsabilité pénale des personnes morales : vers un retour à une interprétation stricte des critères fixés par le code pénal

07/03/2013 Par August Debouzy
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Par une série d’arrêts récents Crim. 11 oct. 2011, n°10-87212 ; Crim. 11 avr. 2012, n°10-86974 ; Crim. 2 oct. 2012, n°11-84415 ; Crim. 11 déc. 2012, n°11-87421 ; ou encore Crim. 22 janv. 2013, n°12-80022 la chambre criminelle de la Cour de cassation est revenue sur les conditions d’application des dispositions légales permettant de retenir la responsabilité des entreprises au plan pénal.

Comme chacun sait, le principe de la responsabilité pénale des personnes morales a été introduit en droit français à l’occasion de la rédaction du nouveau code pénal, entré en vigueur au printemps 1994 . Depuis lors, le 1er alinéa de l’article 121-2 du code pénal dispose que peuvent être poursuivies non pas simplement les personnes physiques mais également l’ensemble des personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, à raison des « infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. »

Un critère a certes évolué depuis 1994 : celui du champ des infractions susceptibles de conduire à la mise en cause de cette responsabilité, puisque si le législateur l’avait initialement cantonné aux « cas prévus par la loi ou le règlement » , la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 a abandonné cette restriction et rendu en conséquence les entreprises potentiellement justiciables, à compter du 31 décembre 2005 , des mêmes infractions que les particuliers.

Les dispositions du code pénal sont en revanche restées constantes sur ce second critère qui consiste à ne pouvoir en principe retenir la responsabilité pénale d’une personne morale qu’à la suite d’une infraction commise, « pour [son] compte » , par ses « organes ou représentants » .

Si dans un premier temps la jurisprudence a appliqué de manière rigoureuse cet article en s’attachant à démontrer, préalablement à la mise en jeu de la responsabilité pénale des entreprises, que des fautes susceptibles de revêtir une qualification pénale étaient imputables à leurs organes ou représentants, force est de constater q*u’elle a progressivement adopté une position plus* « libérale » , jusqu’à se satisfaire, depuis 2006 – Crim. 20 juin 2006, n°05-85255 –, d’une forme de présomption de rattachement de l’infraction à ces personnes .

Cette solution, qui conduisait mécaniquement à élargir les possibilités d’engagement de la responsabilité des entreprises au plan pénal , a été abondamment commentée à l’époque. Elle a pourtant trouvé matière à s’appliquer pendant plusieurs années, la jurisprudence se bornant parfois, pour retenir la responsabilité pénale d’une personne morale, à estimer que les manquements en cause étaient « nécessairement » imputables à ses organes ou représentants (Crim. 15 févr. 2011, n°10-85324), quand elle ne se dispensait pas même de toute référence à l’identité et à la qualité des auteurs desdits manquements (Crim. 22 févr. 2011, n°10-87676).

Dans ces conditions, l’année 2012 marquera assurément un tournant, puisque la chambre criminelle exige désormais – ou à nouveau – que soit systématiquement recherchées l’identité et les attributions des organes ou représentants d’une personne morale pour que la responsabilité pénale de cette dernière, en cas de commission d’une infraction par ces personnes, puisse être éventuellement retenue.

Une solution qui apparaît assurément plus conforme à la lettre de l’article 121-2 du code pénal, et par là-même au principe d’interprétation stricte de la loi pénale.

A propos des auteurs Kami Haeri (Associé) et Fabien Ganivet (Counsel) du cabinet August & Debouzy

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