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Impôt sur les sociétés

Exonérations fiscales en ZRR : précisions sur les modalités de calcul de l'effectif salarié pour les entreprises de travail temporaire

Le juge de l'impôt précise les modalités de calcul de l'effectif salarié (Art. 44 quindecies du CGI) pour le bénéfice des exonérations fiscales en Zone de Revitalisation Rurale (ZRR), notamment pour les entreprises de travail temporaire. 

 

L'article 44 quindecies du CGI institue un régime d'exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés pour les entreprises créées ou reprises dans les ZRR. Ce dispositif vise à soutenir le développement économique des territoires ruraux en difficulté. Pour bénéficier de cette exonération, l'entreprise doit remplir plusieurs conditions, dont une condition liée à l'effectif salarié. En l'occurrence, la rédaction applicable au litige exigeait que l'entreprise emploie moins de dix salariés (onze salariés à partir de 2016 - LF pour 2016) bénéficiant d'un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) ou d'un contrat d'une durée d'au moins six mois à la date de clôture du premier exercice et au cours de chaque exercice de la période d'application de l'article.

 

Ainsi pour bénéficier du régime d’allègement d’impôt, pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2015, l’entreprise doit employer moins de onze salariés bénéficiant d’un contrat de travail à durée indéterminée ou d’une durée d’au moins six mois à la date de clôture du premier exercice et au cours de chaque exercice de la période d’application du dispositif. Pour les exercices clos avant le 31 décembre 2015, l’entreprise doit employer moins de dix salariés.

Si cet effectif varie en cours d’exercice, il est calculé en tenant compte de la durée de présence des salariés concernés pendant l’exercice.

Le décompte des salariés s’opère en retenant les seuls salariés titulaires d’un contrat de travail à durée indéterminée ou à durée déterminée de six mois au moins.

Dans une mise à jour BOFIP du 4 janvier 2017 l’administration a précisé les modalités de décompte des effectifs salariés pour les entreprises de travail temporaire : 

Au cas particulier des entreprises de travail temporaire, le décompte des salariés doit tenir compte :

  • des salariés permanents de ces entreprises, titulaires d’un contrat de travail à durée indéterminée ou à durée déterminée de six mois au moins ;
  • et des travailleurs qui ont été liés à elles par des contrats de mission dont la durée cumulée est égale ou supérieure à six mois au cours de l’exercice

La question centrale qui se posait était de savoir comment interpréter cette condition de durée pour les contrats de travail, notamment dans le cadre de missions successives.

 

Rappel des faits :

La société D Intérim, créée en avril 2011, exerce une activité d'entreprise de travail temporaire depuis son siège social d'Andelat, dans le Cantal. Cette implantation en ZRR l'a conduite à solliciter le bénéfice de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue par l'article 44 quindecies du CGI pour les exercices clos de 2013 à 2019.

L'activité de la société consiste à mettre à disposition d'entreprises utilisatrices des travailleurs intérimaires liés à la société par des contrats de mission.

L'administration fiscale a procédé à une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2016, puis à des contrôles sur pièces pour les exercices ultérieurs. Au terme de ces contrôles, elle a remis en cause l'application du régime d'exonération au motif que la condition d'effectif prévue par l'article 44 quindecies n'était pas respectée.

Elle considère que seuls doivent être pris en compte, pour l'appréciation de la condition d'effectif, les salariés titulaires d'un CDI ou d'un contrat d'une durée stipulée d'au moins six mois. Les intérimaires liés à la société par plusieurs contrats de mission successifs d'une durée individuelle inférieure à six mois ne peuvent donc pas être comptabilisés, même si leur durée cumulée de présence au sein de l'entreprise dépasse six mois.

Cette interprétation a conduit l'administration à considérer que la société dépassait le seuil d'effectif autorisé et perdait par conséquent le droit à l'exonération d'impôt sur les sociétés. En conséquence, la société D Intérim a été assujettie à des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos de 2013 à 2019.

Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a initialement rejeté les demandes de la société D Intérim, position confirmée par la CAA de Lyon dans un arrêt du 4 avril 2024. C'est contre cet arrêt que la société D Intérim s'est pourvue en cassation devant le Conseil d'État.

  • le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a  suivi la position de l'administration fiscale, considérant que les conditions d'effectif n'étaient pas remplies pour bénéficier de l'exonération.
  • la Cour a rejeté l'appel et confirmé la position des premiers juges. Cet arrêt a adopté une interprétation extensive de la condition d'effectif, considérant que devaient être pris en compte les intérimaires liés à la société par plusieurs contrats de mission successifs, dès lors que leur durée cumulée de présence dépassait six mois.

 

La société D Intérim conteste l'interprétation de la cour administrative d'appel concernant le calcul de son effectif. Elle soutient que seuls les salariés bénéficiant d'un contrat de travail dont la durée initiale ou stipulée était d'au moins six mois devaient être pris en compte, et non la durée cumulée de contrats de missions courtes.

 

Elle fait valoir que retenir une approche différente reviendrait à ajouter au texte des conditions qu'il ne prévoit pas et à méconnaître le principe d'interprétation stricte des textes d'exception. Elle souligne également les spécificités du secteur du travail temporaire, où la succession de contrats courts constitue le mode normal d'organisation du travail.

 

Le Conseil d'État, après avoir rappelé les termes de l'article 44 quindecies du CGI, a tranché en faveur de l'interprétation restrictive de la condition d'effectif.

 

Il a clairement énoncé que

seuls sont retenus les salariés bénéficiant soit d'un contrat à durée indéterminée, soit d'un contrat d'une durée minimale de six mois fixée par ses stipulations telles qu'elles résultent, le cas échéant, de ses avenants

Le Conseil d'État a précisé que si l'effectif varie en cours d'exercice, le calcul se fait bien en tenant compte de la durée de présence des salariés concernés au regard du nombre de jours sur l'exercice, mais cela ne modifie pas la condition initiale de la durée du contrat.

 

En d'autres termes, la Haute Juridiction a considéré que la cour administrative d'appel de Lyon avait commis une erreur de droit en incluant dans le calcul de l'effectif les intérimaires liés par plusieurs contrats de mission d'une durée unitaire inférieure à six mois, même si leur durée cumulée de présence au sein de l'entreprise dépassait les six mois au cours de l'exercice. La condition de durée de six mois s'applique à la durée stipulée du contrat lui-même, et non à une agrégation de missions successives.

 

Par conséquent, le Conseil d'État a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon et a renvoyé l'affaire devant cette dernière pour un nouvel examen.

 

 

La durée de six mois pour les contrats à durée déterminée s'apprécie contrat par contrat, sur la base de ses stipulations, et non par cumul de missions successives, même si la présence effective du salarié dans l'entreprise dépasse six mois sur l'exercice.

Publié le jeudi 19 juin 2025 par La rédaction

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