Les paradoxes du marché de l’art Belge

En Belgique, le marché des enchères n’a pas flanché au cours de l’année 2023. Il se maintient à un bon niveau grâce à l’activité des maisons de ventes De Vuyst, Piasa Bruxelles, Louiza Auktion, Bonhams Cornette de Saint-Cyr Bruxelles et Horta, qui réalisent ensemble plus de 60% du produit des ventes annuel Fine Art sur place. Mais le résultat pourrait peser plus lourd à l’échelle internationale si les certains grands artistes Belges profitaient mieux au marché intérieur.

La cote flamboyante de Magritte profite peu au marché national

Surréaliste inclassable, René MAGRITTE est l’un des artistes les plus populaires et les plus demandés du marché international. Ses toiles ont été constamment revalorisées au cours des vingt dernières années, tant sur le plan économique que du point de vue institutionnel. Aux enchères, son produit des ventes annuel a triplé en dix ans et l’artiste compte aujourd’hui parmi les dix plus performants du marché mondial, toutes époques et catégories de création confondues. Pour autant, ce formidable dynamisme ne profite pas véritablement au pays dont Magritte est originaire, car il se mesure en premier lieu sur les places de marché de Londres, Paris, New York, voire Hong Kong avant Bruxelles.

Parmi ses sept toiles les plus coûteuses de l’année – toutes vendues entre 10 et 42 millions de dollars aux enchères – aucune n’a été adjugée à Bruxelles, Anvers ou Lokeren, les trois principales places de marché de Belgique. Un manque à gagner considérable pour le marché intérieur Belge qui génère entre 55 et 65 millions de dollars chaque année or, il suffirait qu’une ou deux toiles majeures de Magritte soient dispersées sur place pour doubler ce score.

L’artiste le plus coté de l’année est un français Pop

Étrangement, l’artiste le plus coté en Belgique s’avère être, cette année, Richard ORLINSKI. Le sculpteur français représente essentiellement des animaux (crocodile, panthère, gorille, éléphant, etc) et des figures puisées dans la culture populaire (Mickey, Superman, King Kong, etc.), dans une logique sérielle, déclinant ses sujets en divers matériaux tels que la résine, l’inox, l’aluminium, le bronze doré, le verre, le marbre et même l’or.

Loin de faire l’unanimité dans le milieu de l’art, cet artiste est plébiscité par des acheteurs fortunés, souvent issus du milieu du show-business. L’engouement de ceux-ci hisse Orlinski dans plusieurs classements nationaux : premier artiste de l’année sur le marché belge avec une sculpture de gorille ayant dépassé le million de dollars, il apparaît aussi comme le deuxième contemporain français le plus performant, derrière Robert Combas, selon le produit des ventes annuel réalisé par la dispersion de ses oeuvres en France.

Répartition géographique du produit des ventes de Richard Orlinski en 2023 (copyright Artprice.com)

Outre cet attrait notable des collectionneurs pour le bestiaire d’Orlinski, Artmarket s’est penché sur le marché des artistes contemporains belges les plus cotés, pour établir un constat similaire à celui du marché de René Magritte.

Les meilleurs artistes contemporains belges de l’année

Cette année, trois contemporains belges ont obtenu des résultats d’adjudications supérieurs à 500 000$ : Luc TUYMANS, immense artiste que la plupart des grands musées ont intégré à leurs collections permanentes depuis les années 90’ (MoMA, Pinacothèque à Munich, musée Guggenheim, Centre Georges Pompidou…), mais aussi Ben SLEDSENS, dont le record personnel a été actualisé cette année avec sa toile Throwing Dice qui a multiplié par six son estimation haute en juin (636 400$), et enfin le peintre Michaël BORREMANS, dont trois œuvres ont déjà été millionnaires aux enchères par le passé.

Ces résultats puissants démontrent sans ambiguïté la vitalité de la scène contemporaine belge. Néanmoins, les trois œuvres en question ont été dispersées à Londres, ville qui dispute à New York les artistes les plus cotés de Belgique. Le marché contemporain rejoint ici le paradoxe du marché moderne, à savoir que les artistes belges les plus cotés et les plus recherchés internationalement se vendent en premier lieu à l’étranger. Le phénomène est si prégnant que plus de 80% du résultat annuel issu de l’art contemporain belge profite à d’autres pays qu’à la Belgique.

Répartition géographique du produit des ventes de Luc Tuymans en 2023 (copyright Artprice.com)

Répartition géographique du produit des ventes de Harold Ancart en 2023 (copyright Artprice.com)

Les contemporain belges les plus performants dans leur pays

Les niveaux de prix sont ici bien moindre que ceux constatés pour les contemporains belges les plus performants sur la scène internationale. En effet, la meilleure adjudication de l’année enregistrée en Belgique pour un artiste contemporain Belge affiche 95 720$ avec une œuvre de Rin Van de Velde vendue à Lokeren, tandis que Luc Tuymans, artiste contemporain belge le plus performant, détient cette année un résultat de 1,8m$, obtenu à Londres.

Les meilleures ventes de l’art contemporain belge sur le sol national illustrent une bonne diversité plastique et créative, en récompensant aussi bien le dessin que la bande-dessinée, la peinture abstraite que la sculpture. Elles mettent par ailleurs en exergue un artiste aussi prometteur que Rin VAN DE VELDE (représenté par la galerie Max Hetzler établie à Berlin, Paris, Londres et Marfa) : le succès croissant de ce dessinateur virtuose profite, pour l’instant, plus fortement au marché Belge qu’aux places fortes du marché international. Mais la compétition s’annonce rude car l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France et les Etats-Unis (soit les pays dans lesquels est implantée la galerie Max Hetzler qui représente l’artiste) sont tous demandeurs de ses oeuvres…