Nouvelle décision relative aux règles de recevabilité applicables aux contestations des prises de position de l'administration fiscale en matière de rescrit et plus spécifiquement aux limites du recours pour excès de pouvoir (REP) en matière fiscale et sur l'exigence d'effets notables extra-fiscaux pour justifier cette voie procédurale exceptionnelle.
Le dispositif des rescrits fiscaux, codifié aux articles L. 80 A et suivants du LPF, constitue un mécanisme de sécurisation juridique permettant aux contribuables d'obtenir une prise de position formelle de l'administration sur l'application d'un texte fiscal à leur situation particulière. Ce dispositif vise à réduire l'insécurité juridique inhérente à la complexité croissante du droit fiscal.
L'article L. 80 B du LPF prévoit que la garantie contre les rehaussements ultérieurs s'applique lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal, à condition que le redevable de bonne foi ait présenté une demande écrite, précise et complète.
Afin de renforcer la garantie de qualité des réponses apportées et, partant, la sécurité juridique qu’elles confèrent aux demandeurs, un second examen des prises de position formelle a été institué par l’article 50 de la LFR 2008 codifié à l'article L. 80 CB du LPF.
Ouvert à l’ensemble des rescrits (général et spécifiques) sauf exceptions, il offre la garantie d’une seconde prise de position formelle de l’administration, si le contribuable estime qu’elle n’a pas initialement correctement apprécié sa situation de fait au regard de l’application d’un texte fiscal. Cette seconde prise de position bénéficie des mêmes garanties et obéit aux même règles et délais que ceux applicables à la demande initiale, apportant au contribuable une position définitive de l’administration dans un délai très court.
Enfin, rappelons que l'article 155 B du CGI instaure un régime fiscal préférentiel en faveur des personnes physiques qui transfèrent leur domicile fiscal en France. Ce dispositif, inspiré des pratiques de nombreux pays européens, vise à attirer les talents et les investissements étrangers en France. Il prévoit notamment une exonération partielle des suppléments de rémunération liés à l'expatriation et des revenus de source étrangère.L'application de ce régime est subordonnée à plusieurs conditions, notamment l'absence de domiciliation fiscale en France au cours des cinq années précédant la prise de fonctions, condition qui fait souvent l'objet de difficultés d'interprétation.
Rappel des faits :
Mme B a présenté le 25 février 2022 une demande de rescrit visant à obtenir confirmation de son éligibilité au régime fiscal des impatriés prévu par l'article 155 B du CGI. Cette demande s'inscrivait manifestement dans le cadre d'un projet d'installation en France, probablement motivé par des considérations professionnelles.
Par une première décision du 17 mai 2022, l'administration fiscale a pris position défavorablement, estimant que Mme B ne remplissait pas les conditions d'éligibilité au dispositif. La motivation invoquée concernait le non-respect du critère de non-domiciliation préalable, élément central du régime des impatriés.
Usant de la faculté offerte par l'article L. 80 CB du LPF, Mme B a sollicité le 20 octobre 2022 un second examen de sa demande. Par une décision du 19 janvier 2023, l'administration a confirmé sa position défavorable, épuisant ainsi les voies de recours administratif.
Face à cette double réponse négative, Mme B a choisi la voie du recours pour excès de pouvoir, estimant que l'administration avait commis une erreur de droit en refusant de reconnaître son éligibilité au seul motif que le critère de non-domiciliation préalable ne serait pas satisfait.
Cette option procédurale mérite attention car elle révèle une stratégie contentieuse particulière. En effet, la voie normale de contestation d'une prise de position défavorable en matière de rescrit consiste généralement à appliquer l'interprétation que l'on estime correcte et à contester les éventuels rehaussements devant le juge de l'impôt par la voie du plein contentieux.
Mme B soutient que l'administration a entaché sa décision d'erreur de droit en refusant de reconnaître son éligibilité au dispositif de l'article 155 B du CGI. Elle estime que le critère de non-domiciliation préalable était satisfait dans son cas et que l'interprétation administrative était erronée. Sur le plan procédural, elle tente de justifier la recevabilité de son REP en invoquant les conséquences de la prise de position administrative sur son projet d'installation en France. Elle fait valoir qu'elle a souhaité s'installer de manière pérenne en France et qu'elle "pourrait être amenée à abandonner son projet de rapatriement".
L'administration fiscale, de son côté, articule sa défense autour de deux axes :
- Sur le fond, elle maintient que Mme B ne remplit pas les conditions d'éligibilité au régime des impatriés, notamment s'agissant du critère de non-domiciliation préalable.
- Sur la recevabilité, elle souleve plusieurs moyens. D'une part, elle invoque un vice de procédure lié au caractère tardif du mémoire complémentaire de la requérante. D'autre part elle conteste la recevabilité du REP au motif que Mme B ne justifie d'aucun effet notable autre que fiscal.
Le TA de Paris vient de rejeter la requête de Mme B
Le tribunal rappelle d'abord que les prises de position formelles de l'administration sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal ont, eu égard aux effets qu'elles sont susceptibles d'avoir pour le contribuable et les tiers intéressés, le caractère de décisions administratives. Cette qualification est fondamentale car elle conditionne l'ouverture des voies de recours contentieuses.
Concernant les voies de recours applicables
Le tribunal énonce le principe selon lequel une prise de position administrative ne peut généralement pas être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir, compte tenu de la possibilité d'un recours de plein contentieux devant le juge de l'impôt.
Concernant l'exception en cas d'effets extra-fiscaux
Le tribunal reconnaît toutefois que la voie du recours pour excès de pouvoir demeure ouverte lorsque la prise de position de l'administration entraînerait des effets notables autres que fiscaux, de sorte que la voie du recours de plein contentieux ne permettrait pas d'obtenir un résultat équivalent.
Au cas d'espèce
Dans le cas de Mme B, le tribunal estime que les éléments invoqués ne sont pas suffisants pour caractériser des effets notables autres que fiscaux. La simple invocation d'un souhait d'installation pérenne en France et d'un éventuel abandon du projet de rapatriement ne suffit pas à justifier la recevabilité du recours.
Le tribunal relève notamment que Mme B était déjà installée en France depuis plus d'un an à la date de la décision attaquée, ce qui affaiblit considérablement l'argument selon lequel la prise de position administrative l'empêcherait de concrétiser son projet d'installation.