Aux termes de l’article 39 du code général des impôts, applicable pour la détermination de l’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 209 du même code, le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables.
Il résulte de ces dispositions qu’une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d’un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu’ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d’être évaluées avec une approximation suffisante, qu’elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l’exercice et qu’elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l’entreprise ; qu’en outre, en ce qui concerne les provisions pour charges, elles ne peuvent être déduites au titre d’un exercice que si se trouvent comptabilisés, au titre du même exercice, les produits afférents à ces charges.
La responsabilité décennale d’un constructeur ne peut être mise en jeu, au titre d’un chantier, qu’à compter de la réception, partielle ou totale, de l’ouvrage. Dès lors, contrairement à ce que soutient la société, cette charge future ne peut faire l’objet d’une provision déductible dès l’exercice d’ouverture du chantier, mais seulement à compter de l’exercice de la réception des travaux, cette dernière pouvant seule constituer l’événement de nature à la rendre probable au sens des dispositions précitées. Il en résulte que la requérante n’est pas fondée à soutenir qu’au regard de la loi fiscale, la cour administrative d’appel de Marseille aurait commis une erreur de droit en jugeant que les provisions en litige n’étaient pas déductibles dès lors que, faute que soit intervenue à la date de clôture des exercices concernés la réception des constructions auxquelles elles se rapportaient, ou un événement ayant le même effet, la responsabilité décennale de la société ne pouvait être mise en jeu.
Toutefois que si, en vertu des dispositions du 2 bis de l’article 38 du code général des impôts, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l’avance en paiement du prix sont, en ce qui concerne les travaux d’entreprise, rattachés à l’exercice au cours duquel intervient la réception complète ou partielle, même si elle est seulement provisoire ou faite avec réserves, ou la mise à disposition du maître de l’ouvrage si elle est antérieure, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la requérante s’est prévalue, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe 14 de la documentation administrative 4 A 253, selon lesquelles l’administration ne s’oppose pas, par dérogation aux dispositions du 2 bis de l’article 38 du code général des impôts, à ce que les entreprises de travaux inscrivent, pour la totalité ou certains de leurs chantiers, au titre des produits d’exploitation de l’exercice, les créances afférentes aux travaux effectués telles qu’elles apparaissent sur la dernière situation de travaux établie avant la date de clôture de l’exercice considéré. L’administration a ainsi autorisé les entreprises de travaux à comptabiliser leur résultat à l’avancement, ce qu’a fait en l’espèce la requérante. Le résultat à l’avancement de chaque exercice, dès l’ouverture du chantier, étant égal à la quote-part, correspondant à l’état d’avancement des travaux, du résultat à terminaison prévisionnel, et ce dernier intégrant la provision pour franchise de garantie décennale, la société était fondée, au regard des énonciations de la documentation administrative mentionnée ci-dessus, qui ont pour effet de déroger, pour les exercices d’avancement des travaux, à l’exigence d’un événement en cours fixée par les dispositions précitées de l’article 39-1-5° du code général des impôts, à déduire les provisions litigieuses du résultat imposable de chacun de ces exercices, dès lors que, par ailleurs, il n’est pas soutenu par l’administration que le résultat à terminaison fiscal était différent du résultat à terminaison comptable.
Il résulte de ce qui précède qu’en jugeant que ces provisions n’étaient pas déductibles au titre des exercices en cause alors même qu’elle enregistrait dans sa comptabilité les produits des travaux d’entreprise selon la méthode de l’avancement, la cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit.