Instruction Dutreil en consultation : le piège des fonctions de direction (ou comment ajouter trois ans de conservation)

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Depuis le 6 avril dernier, les commentaires de l’administration fiscale relatifs aux conditions d’application de l’exonération partielle de droits de mutations à titre gratuit (DMTG) prévue à l’article 787 B du CGI sont soumis à consultation publique. Il est possible de formuler des observations jusqu’au 6 juin, et donc d’espérer quelques améliorations. L’une d’elles nous paraît devoir porter sur les conditions à respecter pour exercer utilement les fonctions de direction

I. Rappel du texte légal

Le d de l’article 787 B du CGI nous enseigne que : « d. L’un des associés mentionnés au a ou l’un des héritiers, donataires ou légataires mentionnés au c exerce effectivement dans la société dont les parts ou actions font l’objet de l’engagement collectif de conservation, pendant la durée de l’engagement prévu au a et pendant les trois années qui suivent la date de la transmission, son activité professionnelle principale si celle-ci est une société de personnes visée aux articles 8 et 8 ter, ou l’une des fonctions énumérées au 1° du 1 du III de l’article 975 lorsque celle-ci est soumise à l’impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option »

« a. Les parts ou les actions mentionnées ci-dessus doivent faire l’objet d’un engagement collectif de conservation d’une durée minimale de deux ans en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d’autres associés. Le présent engagement peut être pris par une personne seule, pour elle et ses ayants cause à titre gratuit, sous les mêmes conditions (…) ».

« C. Exercice d’une fonction de direction au sein de la société (…)

Ainsi, la direction de la société doit être effectivement exercée durant cette période par :

- l’un des héritiers ou légataires ou par le donataire qui a pris l’engagement individuel de conserver les titres reçus du fait de la transmission à titre gratuit ;

- ou l’un des associés membres de l’engagement collectif de conservation.

Les précisions au II-A-2 § 270 à 299 s’appliquent également durant l’engagement individuel de conservation.

En outre, en cas de reconduction de l’engagement collectif à la suite de l’adhésion d’un nouvel associé, la fonction de direction doit être exercée pendant la durée de l’engagement collectif et les trois années suivant la transmission par l’un des bénéficiaires d’une transmission à titre gratuit ou un associé de l’engagement collectif.

Il est précisé que la personne qui remplit cette fonction durant l’engagement collectif de conservation de deux ans peut continuer à exercer cette fonction durant l’engagement individuel.

D. Exercice d’une fonction de direction au sein de la société (…) Ainsi, la direction de la société doit être effectivement exercée :

- sur la période courant jusqu’à la transmission, par un associé de la société mentionnée au I-A-1 § 10 signataire de l’engagement unilatéral ou collectif de conservation ;

- sur la période courant à compter de la transmission :

. par l’un des héritiers, légataires ou donataires qui a pris l’engagement individuel de conserver les titres reçus du fait de la transmission à titre gratuit ;

. ou par un associé de la société mentionnée au I-A-1 § 10 signataire de l’engagement unilatéral ou collectif de conservation et encore tenu au respect de cet engagement.

Les précisions au II-A-2 § 270 à 290 s’appliquent également durant l’engagement individuel de conservation, hormis celles relatives aux personnes pouvant exercer cette fonction déjà traitées au IID § 380 à 395.

En outre, en cas de reconduction de l’engagement collectif ou unilatéral de conservation à la suite de l’adhésion d’un nouvel associé, la fonction de direction doit être exercée pendant la durée de cet engagement et les trois années suivant la transmission dans les conditions mentionnées ci-dessus.

Il résulte des principes visés au II-D § 390 les conséquences suivantes.

A compter de la transmission, un associé signataire de l’engagement (y compris le donateur) ne peut exercer l’activité professionnelle principale ou, le cas échéant, la fonction de direction dans la société que s’il continue de détenir des titres de cette société soumis à un engagement de conservation et demeure à ce titre associé d’un engagement collectif ou, le cas échéant, unilatéral de conservation.Dès lors que l’ensemble des titres soumis à engagement a été transmis, la direction de la société doit être assurée par l’un des héritiers, légataires ou donataires.

Rappelons ce que l’article fondateur définit ainsi les « associés mentionés au a. » :

« a. Les parts ou les actions mentionnées ci-dessus doivent faire l’objet d’un engagement collectif de conservation d’une durée minimale de deux ans en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d’autres associés. Le présent engagement peut être pris par une personne seule, pour elle et ses ayants cause à titre gratuit, sous les mêmes conditions (…) ».

A la seule lecture du texte légal, il est logique de conclure qu’à compter de la transmission, la direction de la société doit être effectivement exercée durant trois ans par :

  • l’un des héritiers ou légataires ou par le donataire qui a pris l’engagement individuel de conserver les titres reçus du fait de la transmission à titre gratuit ;

  • ou l’un des associés membres de l’engagement collectif de conservation.

Rien ne laisse supposer, dans le cas où la fonction de direction est exercée par l’un des signataires de l’engagement collectif utilisé pour la transmission, que celui-ci doive être maintenu en vigueur pendant trois ans.

 

II. Rappel de la doctrine applicable jusqu’au 6 avril 2021

Les anciens commentaires de l’administration sont toujours en ligne ( BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, n°390 ) mais ne sont plus opposables pour les opérations à venir. Ils retenaient et explicitaient la même interprétation logique :

« C. Exercice d’une fonction de direction au sein de la société (…)

Ainsi, la direction de la société doit être effectivement exercée durant cette période par :

- l’un des héritiers ou légataires ou par le donataire qui a pris l’engagement individuel de conserver les titres reçus du fait de la transmission à titre gratuit ;

- ou l’un des associés membres de l’engagement collectif de conservation.

Les précisions au II-A-2 § 270 à 299 s’appliquent également durant l’engagement individuel de conservation.

En outre, en cas de reconduction de l’engagement collectif à la suite de l’adhésion d’un nouvel associé, la fonction de direction doit être exercée pendant la durée de l’engagement collectif et les trois années suivant la transmission par l’un des bénéficiaires d’une transmission à titre gratuit ou un associé de l’engagement collectif.

Il est précisé que la personne qui remplit cette fonction durant l’engagement collectif de conservation de deux ans peut continuer à exercer cette fonction durant l’engagement individuel.

L’engagement individuel ne pouvant commencer à courir que lorsque l’engagement collectif est terminé, cette dernière phrase confirme, s’il le fallait, que l’engagement collectif de départ n’avait pas besoin de perdurer trois ans après la donation.

 

III. Nouvelle doctrine et problématique : comment rester engagé 7 ans au lieu de 4 !

Les nouveaux commentaires soumis à observations vont bien plus loin en exigeant, lorsque la fonction de direction n’est pas exercée par l’un des donataires, que l’engagement collectif reste en cours jusqu’à la fin des trois ans :

D. Exercice d’une fonction de direction au sein de la société (…) Ainsi, la direction de la société doit être effectivement exercée :

- sur la période courant jusqu’à la transmission, par un associé de la société mentionnée au I-A-1 § 10 signataire de l’engagement unilatéral ou collectif de conservation ;

- sur la période courant à compter de la transmission :

. par l’un des héritiers, légataires ou donataires qui a pris l’engagement individuel de conserver les titres reçus du fait de la transmission à titre gratuit ;

. ou par un associé de la société mentionnée au I-A-1 § 10 signataire de l’engagement unilatéral ou collectif de conservation et encore tenu au respect de cet engagement.

Les précisions au II-A-2 § 270 à 290 s’appliquent également durant l’engagement individuel de conservation, hormis celles relatives aux personnes pouvant exercer cette fonction déjà traitées au IID § 380 à 395.

En outre, en cas de reconduction de l’engagement collectif ou unilatéral de conservation à la suite de l’adhésion d’un nouvel associé, la fonction de direction doit être exercée pendant la durée de cet engagement et les trois années suivant la transmission dans les conditions mentionnées ci-dessus.

Il résulte des principes visés au II-D § 390 les conséquences suivantes.

A compter de la transmission, un associé signataire de l’engagement (y compris le donateur) ne peut exercer l’activité professionnelle principale ou, le cas échéant, la fonction de direction dans la société que s’il continue de détenir des titres de cette société soumis à un engagement de conservation et demeure à ce titre associé d’un engagement collectif ou, le cas échéant, unilatéral de conservation.Dès lors que l’ensemble des titres soumis à engagement a été transmis, la direction de la société doit être assurée par l’un des héritiers, légataires ou donataires.

Le lecteur attentif aura remarqué que le §390 dit que le dirigeant doit être « encore tenu au respect de cet engagement » , ce qui vise bien l’engagement collectif utilisé pour la donation, alors que le §395 ne lui impose que de « détenir des titres de cette société soumis à un engagement de conservation » .

Dans ce cas, il suffirait de signer un nouveau pacte post-donation pour régler le problème.

Il nous semble aujourd’hui nécessaire de modifier les commentaires administratifs sur ces points car ils ajoutent clairement au texte et, en pratique, lorsque aucun des donataires ne peut exercer de fonction de direction, ils imposent le maintien de l’engagement collectif pendant trois après la donation, ce qui porterait de 4 à 7 ans les délais de conservations pour les familles ayant anticipé en signant un pacte plusieurs années avant la transmission.

Article de M°Pierre-Alain GUILBERT – Notaire associé – 14 PYRAMIDES NOTAIRES

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