Abandons de créances : divergences entre la Cour de Cassation et le Conseil d'Etat

30/10/2010 Par Baker & McKenzie
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La SA Forocéan qui exploitait un supermarché sous l’enseigne Intermarché et détenait depuis avril 1993 une participation de 20 dans le capital de la SA Maugis, exploitant un supermarché sous la même enseigne et dans la même zone de chalandise, a acquis, en décembre 1995, 79% du capital de cette société pour un franc symbolique.

Suite à cette acquisition, la SA Forocéan a consenti deux abandons de créances au bénéfice de sa filiale .

Après la cessation d’activité de la SA Maugis intervenue en mars 1996, la commission départementale d’équipement commercial (CDEC) de Gironde a autorisé en avril 1998 la SA Forocéan à étendre sa surface d’une superficie correspondant à celle précédemment exploitée par la SA Maugis après un premier refus intervenu deux ans plus tôt.

Suite à une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2005 à 2007, l’administration fiscale a considéré que cette opération devait s’analyser en une acquisition de fonds de commerce de la SA Maugis par la SA Forocéan et en a tiré les conséquences suivantes :

  • au regard des droits d’enregistrement , elle a notifié un redressement calculé sur le montant des abandons de créances et

  • au regard de l’impôt sur les sociétés , elle a refusé la déduction des abandons de créances

Dans un arrêt rendu le 16 décembre 2008, la Cour de Cassation a confirmé l’approche retenue par l’administration en matière de droits d’enregistrement en considérant que c’est à juste titre que l’acquisition de titres suivie desdits abandons de créances avait été qualifiée de mutation de fonds de commerce pour un montant correspondant au montant des abandons de créances consentis par la SA Forocéan. A ce titre il fut souligné que l’objectif poursuivi par la SA Forocéan dans le cadre de son acquisition des titres de la SA Maugis avait été la fermeture du supermarché exploité par la SA Maugis afin de récupérer une partie de son chiffre d’affaires et d’obtenir plus facilement l’autorisation d’exploitation d’une surface supérieure par la CDEC.

Or, dans un arrêt rendu le 23 juillet dernier dans cette même affaire, le Conseil d’Etat a, au contraire, considéré au regard de l’impôt sur les sociétés que bien que la SA Forocéan ait fortement accru son chiffre d’affaires et augmenté sa surface de vente d’une superficie égale à celle précédemment exploitée par la SA Maugis, ce report de clientèle était relatif et avait été subordonné à l’autorisation de la CDEC qui avait été différée.

Dans ces conditions le Conseil d’Etat a jugé que les abandons de créances consentis par la SA Forocéan ne pouvaient pas être qualifiés d’acquisition d’éléments incorporels du fonds de commerce de la SA Maugis.

Si la décision pragmatique du Conseil d’Etat ne peut être que saluée, il est regrettable que des arguments identiques développés par une société puissent conduire à deux solutions contraires selon l’impôt concerné.

Les mêmes abandons de créances auront donc à la fois été justifiés au regard de l’impôt sur les sociétés et requalifiés en cession de fonds de commerce au regard des droits d’enregistrement.

La sécurité juridique des contribuables ne sort pas grandie de cette divergence de position des juridictions civile et administrative

 

Par Ariane Calloud avocate au cabinet Baker & McKenzie.

Tribune du Cabinet Baker & McKenzie du 26 octobre 2010

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