Réforme de la taxe pour création de bureaux en Ile-de-France : le décret (enfin) publié mais des interrogations et sources de discussion demeurent !

09/10/2017 Par Kramer Levin
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La réforme du régime de la redevance (devenue taxe) pour création de locaux à usage de bureaux, locaux commerciaux et locaux de stockage en Ile-de-France (TCBCE), introduite par la Loi de finances rectificative pour 2015, avait généré différentes interrogations pour sa mise en œuvre, celle-ci étant applicable aux opérations initiées à compter du 1er janvier 2016 (sauf pour certaines dispositions) .

Annoncée pour l’été 2016 , puis différée en raison d’échanges notamment entre l’Administration et les collectivités territoriales, la publication au Journal Officiel du décret d’application est intervenue le 4 octobre 2017 ( décret n° 2017-1421 du 2 octobre 2017 ).

Ce décret, codifié aux articles R 520-1 à R-520-18 du code de l’urbanisme , apporte notamment des précisions sur les modalités déclaratives et sur les points suivants :

Rappel :

En région d’Ile-de-France, une taxe (TCBCE) est perçue au profit de la Région à l’occasion de la construction, reconstruction ou de l’agrandissement des locaux à usage de bureaux, des locaux commerciaux et des locaux de stockage ou à l’occasion de certains changements d’usage. Son montant varie de 14,02 €/m2 à 403,20 €/m2 selon le type de local et la zone géographique.

Fait générateur de la TCBCE pour les locaux construits en infraction :

Pour les constructions ou aménagements réalisés en infraction avec les règles d’urbanisme (sans autorisation ou en violation avec les obligations de l’autorisation), le fait générateur est constitué par le procès-verbal constatant l’achèvement des constructions ou des aménagements.

Cette référence au procès-verbal constatant l’achèvement des constructions est surprenante puisque le plus souvent des locaux construits en infraction ne donnent pas lieu à un tel procès verbal. Le délai de prescription de la TCBCE courant à compter du fait générateur, cette disposition pourrait donc générer de nouveaux contentieux lorsqu’il n’a pas été établi un tel procès verbal. Pour mémoire, sous le régime applicable avant la réforme, le Conseil d’Etat a jugé que le délai de prescription courrait à compter de l’achèvement des travaux (date pouvant être démontrée par tous moyens).

Locaux exonérés

Parmi les locaux exonérés, le décret précise les notions suivantes :

  • Bureaux des établissements industriels : un établissement industriel est « un établissement dont l’activité nécessite d’importants moyens techniques lorsqu’elle consiste dans la fabrication ou la transformation de biens ». Il s’agit de distinguer cette notion pour la TCBCE de celle résultant de la jurisprudence en matière de taxe foncière et qui conduit à qualifier d’établissement industriel, les entrepôts de stockage.

  • Locaux de recherche : il s’agit des « locaux et leurs annexes de toute nature utilisés pour des activités ayant le caractère de recherches fondamentales ou de recherches appliquées comportant des aménagements particuliers les rendant impropres à une autre utilisation »

  • Définition restrictive visant à limiter l’exonération aux locaux techniques lourdement aménagés.

Assiette de la TCBCE

Selon l’article L 520-7-II du code de l’urbanisme, les opérations de reconstruction ne sont assujetties à la TCBCE qu’à raison des m2 de surface de construction qui excèdent la surface de construction de l’immeuble avant reconstruction.

Le décret admet de déduire les surfaces antérieurement « passibles » de la TCBCE, ce qui sous-entend qu’il n’est pas nécessaire de démontrer que la taxe a été effectivement acquittée. En revanche, les locaux précédemment exonérés pourraient ne pas être pris en compte. En outre, la déduction se fait par catégorie de local (bureaux, commerces ou entrepôts). Sont donc uniquement visées les opérations de reconstruction avec conservation du même usage.

Néanmoins , pour les opérations de changement d’usage, l’article L 520-12 du code de l’urbanisme prévoit en cas de transformation de locaux de stockage en commerces ou de transformation de locaux de stockage ou commerce en bureaux, la déduction de la taxe effectivement acquittée au titre de l’usage antérieur.

Dans tous les cas, les moyens de preuve de la surface existante avant reconstruction (pour l’article L 520-7) et de la taxe acquittée (pour l’article L 520-12) ne sont pas précisés.

La pratique de l’Administration est bien souvent de ne pas retenir les surfaces préexistantes et déjà affectées à l’usage considéré mais seulement les surfaces ayant déjà donné lieu au paiement effectif de la taxe.

En d’autres termes , si des surfaces ont déjà été créées sans paiement de la taxe et que la prescription est acquise, l’Administration par ce mécanisme, utilise le dépôt d’une demande d’autorisation d’urbanisme pour contourner la prescription.

Modalités de calcul du plafonnement de la TCBCE

La réforme de la TCBCE a introduit un mécanisme de plafonnement stipulant que le montant de la TCBCE ne peut excéder 30 % de la part du coût de l’opération imputable à l’acquisition et à l’aménagement de la surface de construction.

Le décret précise que pour le calcul du plafonnement, il convient de prendre en compte les coûts suivants pour leur montant hors TVA déductible :

  • Coût d’acquisition du terrain

  • Coût d’aménagement permettant de passer d’un terrain brut à un terrain constructible

  • Coût de démolition totale ou partielle de l’éventuel immeuble bâti existant. A noter que la prise en compte de la TCBCE elle-même pour la détermination du coût de l’opération (et qui conduisait à réduire l’impact du plafonnement) envisagée un temps par l’Administration, a finalement été écartée.

En cas d’extension/surélévation, le coût d’acquisition et d’aménagement est retenu à proportion de la surface de l’extension par rapport à la surface totale de construction après extension.

En conclusion, ce décret apporte d’importantes précisions pour la mise en œuvre de TCBCE mais est aussi source de nouvelles discussions (ex prescription des opérations réalisées en infraction). En outre, certains incertitudes demeurent (calcul du plafonnement, date exigibilité de la TCBCE, délai de réclamation …).

 

Chronique de Pierre Appremont et Samuel Drouin, Avocats Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP