Réflexions relative à l’arrêt de la CJCE du 16 mai 2000 ( aff. C-87/99 Patrick Zurstrassen et Administration des Contributions Directes )
Selon l’article 6 du Code Général des Impôts, l’impôt sur le revenu est assis sur les bénéfices et revenus des membres d’un même foyer fiscal. Cet article trouve son origine dans l’article 8 de la loi du 15 juillet 1914 instituant, en France, l’impôt général sur le revenu : chaque chef de famille est imposable tant en raison de ses revenus personnels que de ceux de sa femme et autres membres de la famille qui habitent avec lui.
Ce texte alimente certaines difficultés en ce qui concerne l’imposition des conjoints. En effet, la mobilité professionnelle est la règle et il arrive fréquemment que l’un des époux travaille à l’étranger et ne rejoigne le foyer fiscal que durant le week-end. Cette cohabitation à éclipse est-elle de nature à déboucher sur une imposition séparée des époux ?
La Cour de Justice des Communautés Européennes dans un arrêt en date du 16 mai 2000 aff. C-87/99 Patrick Zurstrassen et Administration des Contributions Directes, a jeté les bases d’une solution qui devrait avoir des incidences notables en droit fiscal français.
Concrètement, un ressortissant belge exerçait une activité salarié à Luxembourg où il résidait tandis que son épouse, sans profession et leurs enfants, continuaient à résider en Belgique, notamment pour des raisons de scolarité. La quasi-totalité des revenus du ménage provenaient des revenus professionnels du contribuable ; son épouse ne disposait pas de revenus propres en sorte qu’elle n’était pas imposable dans l’Etat de sa résidence. Le fisc luxembourgeois a classé le contribuable comme célibataire. Ceci débouchait sur une double discrimination dans la mesure où le couple Zurstrassen était défavorisé d’une part, par rapport au conjoint résident séparément sur le territoire luxembourgeois lequel bénéficiait d’un barème plus favorable et, d’autre part, par rapport aux non-résidents mariés et non séparés de faits qui perçoivent plus de 50% des revenus professionnels du ménage au luxembourg et qui travaillent tous les deux dans cet Etat.
La Cour a précisé dans son arrêt que l’article 48, paragraphe 2 du Traité CE (devenu après modification,article 39 paragraphe 2, CE) et l’article 7 du paragraphe 2 du règlement (CEE) n°1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968 relatifs à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, s’opposent à l’application d’une réglementation nationale, qui, en matière d’impôt sur le revenu, soumet le bénéfice d’une imposition collective des conjoints non séparés ni de faire, ni en vertu d’une décision de justice à la condition qu’ils soient tous deux résidents sur le territoire national et refusent l’octroi de cet avantage fiscal à un travailleur résidants dans cet Etat, dans lequel il perçoit la quasi-totalité des revenus du foyer, et dont le conjoint réside dans un autre Etat membre.
Cette solution risque d’alimenter des difficultés en droit français. En effet, selon l’article 6-a du CGI:les époux font l’objet d’impositions distinctes : lorsqu’ils sont séparés de biens et ne vivent sous le même toit. La jurisprudence est particulièrement rigoureuse. La simple existence de résidences séparées entraîne l’imposition distincte dès lors qu’elle n’a pas eu un caractère temporaire (Conseil d’ Etat 2 juin 1989, req. n°63600 : droit fiscal 1990, n°20-21 com. 987). C’est donc l’adoption d’un régime de séparation de biens qui entraîne cette solution particulièrement rigoureuse. En revanche, lorsque l’Administration entend soumettre à des impositions distincts des époux non séparés de biens disposant de revenus distincts, il lui incombe d’apporter la preuve de la cessation de la vie commune. Cette preuve ne peut résulter de la seule existence de résidences séparées des époux, (l’un en France, l’autre au Canada), ni de la circonstance que la déclaration des revenus du couple n’a été faite, en son nom propre, que par l’un des époux, sans mention des revenus, non imposables en France, de son conjoint (Conseil d’Etat 19 janvier 1998, req. n°126809, Madame Lamonica).
L’arrêt précité de la CJCE devrait à l’évidence gommer, sur le terrain strictement fiscal, les effets pervers du choix du régime du séparation de biens. L’Administration fiscale française ne pourra opposer les disposition de l’article 6-4 du CGI à un contribuable résidant et travaillant en France, y percevant la quasi-totalité des revenus du foyer, et dont le conjoint réside dans un autre Etat membre.